Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/282

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cessité de leur séparation, il en examina les motifs. La vie qu’ils menaient depuis des mois, cette vie sans liens ni devoirs, sans travail d’aucune sorte, était mauvaise. Lui, ne se croyait bon qu’à aller dormir sous la terre, dans un coin ; seulement, pour elle, n’était-ce pas une existence fâcheuse, d’où elle sortirait indolente et gâtée, incapable de vouloir ? Il la pervertissait, en faisait une idole, au milieu des huées du scandale. Ensuite, tout d’un coup, il se voyait mort, il la laissait seule, à la rue, sans rien, méprisée. Personne ne la recueillait, elle battait les routes, n’avait plus jamais ni mari ni enfants. Non ! non ! ce serait un crime, il ne pouvait, pour ses quelques jours encore de bonheur à lui, ne léguer, à elle, que cet héritage de honte et de misère.

Un matin que Clotilde était sortie seule, pour une course dans le voisinage, elle rentra bouleversée, toute pâle et frissonnante. Et, dès qu’elle fut en haut, chez eux, elle s’évanouit presque dans les bras de Pascal. Elle bégayait des mots sans suite.

— Oh ! mon Dieu !… oh ! mon Dieu !… ces femmes…

Lui, effrayé, la pressait de questions.

— Voyons ! réponds-moi ! que t’est-il arrivé ?

Alors, un flot de sang empourpra son visage. Elle l’étreignit, se cacha la face contre son épaule.

— Ce sont ces femmes… En passant à l’ombre, comme je fermais mon ombrelle, j’ai eu le malheur de faire tomber un enfant… Et elles se sont toutes mises contre moi, et elles ont crié des choses, oh ! des choses ! que je n’en aurais jamais, d’enfants ! que les enfants, ça ne poussait pas chez les créatures de mon espèce !… Et d’autres choses, mon Dieu ! d’autres choses encore, que je ne peux pas répéter, que je n’ai pas comprises !

Elle sanglotait. Il était devenu livide, il ne trouvait rien à lui dire, il la baisait éperdument en pleurant comme