Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tience croissante. À chaque minute, elle regardait la pendule, sur la cheminée de sa chambre, une pendule empire de bronze doré, une borne contre laquelle l’Amour souriant contemplait le Temps endormi. C’était d’habitude à huit heures qu’elle descendait faire le premier déjeuner, en commun avec le docteur, dans la salle à manger. Et, en attendant, elle se livra à des soins de toilette minutieux, se coiffa, se chaussa, passa une robe, de toile blanche à pois rouges. Puis, ayant encore un quart d’heure à tuer, elle contenta un ancien désir, elle s’assit pour coudre une petite dentelle, une imitation de chantilly, à sa blouse de travail, cette blouse noire qu’elle finissait par trouver trop garçonnière, pas assez femme. Mais, comme huit heures sonnaient, elle lâcha son travail, descendit vivement.

— Vous allez déjeuner toute seule, dit tranquillement Martine, dans la salle à manger.

— Comment ça ?

— Oui, Monsieur m’a appelée, et je lui ai passé son œuf, par l’entre-bâillement de la porte. Le voilà encore dans son mortier et dans son filtre. Nous ne le verrons pas avant midi.

Clotilde était restée saisie, les joues pâles. Elle but son lait debout, emporta son petit pain et suivit la servante, au fond de la cuisine. Il n’existait, au rez-de-chaussée, avec la salle à manger et cette cuisine, qu’un salon abandonné, où l’on mettait la provision de pommes de terre. Autrefois, lorsque le docteur recevait des clients chez lui, il donnait ses consultations là ; mais, depuis des années, on avait monté, dans sa chambre, le bureau et le fauteuil. Et il n’y avait plus, ouvrant sur la cuisine, qu’une autre petite pièce, la chambre de la vieille servante, très propre, avec une commode de noyer et un lit monacal, garni de rideaux blancs.