Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/304

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mie, l’avarice noire qu’il montrait désormais. Ensuite, il vendrait la Souleiade sans doute, il travaillerait, il saurait bien se tirer d’affaire. Mais il ne voulait pas toucher aux cinq mille francs qui restaient, car ils étaient son bien, à elle, et elle les retrouverait dans le tiroir.

— Maître, maître, tu me fais beaucoup de chagrin…

Il l’interrompit.

— Je le veux, et c’est toi qui me crèverais le cœur… Voyons, il est sept heures et demie, je vais aller ficeler tes malles, puisqu’elles sont fermées.

Lorsque Clotilde et Martine furent seules, en face l’une de l’autre, elles se regardèrent un instant en silence. Depuis la situation nouvelle, elles avaient bien senti leur antagonisme sourd, le clair triomphe de la jeune maîtresse, l’obscure jalousie de la vieille servante, autour du maître adoré. Aujourd’hui, il semblait que ce fût cette dernière qui restât victorieuse. Mais, à cette minute dernière, leur émotion commune les rapprochait.

— Martine, il ne faudra pas le laisser se nourrir comme un pauvre. Tu me promets bien qu’il aura du vin et de la viande tous les jours ?

— N’ayez pas peur, Mademoiselle.

— Et, tu sais, les cinq mille francs qui dorment là, ils sont à lui. Vous n’allez pas, je pense, mourir de faim à côté. Je veux que tu le gâtes.

— Je vous répète que j’en fais mon affaire, mademoiselle, et que monsieur ne manquera de rien.

Il y eut un nouveau silence. Elles se regardaient toujours.

— Puis, surveille-le pour qu’il ne travaille pas trop. Je m’en vais très inquiète, sa santé est moins bonne depuis quelque temps. Soigne-le, n’est-ce pas ?

— Je le soignerai, soyez tranquille, mademoiselle.

— Enfin, je te le confie. Il ne va plus avoir que toi, et