Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/348

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— Ah ! mademoiselle a bien raison de pleurer, car si monsieur est mort, c’est bien à cause de mademoiselle.

La vieille servante se tenait là debout, à l’écart, près de la porte de sa cuisine, souffrante, exaspérée qu’on lui eût pris et tué son maître ; et elle ne cherchait même pas une parole de bienvenue et de soulagement, pour cette enfant qu’elle avait élevée. Sans calculer la portée de son indiscrétion, la peine ou la joie qu’elle pouvait faire, elle se soulageait, elle disait tout ce qu’elle savait.

— Oui, si monsieur est mort, c’est bien parce que mademoiselle est partie.

Du fond de son anéantissement, Clotilde protesta.

— Mais c’est lui qui s’est fâché, qui m’a forcée à partir !

— Ah bien ! il a fallu que mademoiselle y mît de la complaisance, pour ne pas voir clair… La nuit d’avant le départ, j’ai trouvé Monsieur à moitié étouffé, tant il avait du chagrin ; et, quand j’ai voulu prévenir mademoiselle, c’est lui qui m’en a empêchée… Puis, je l’ai bien vu, moi, depuis que mademoiselle n’est plus là. Toutes les nuits, ça recommençait, il se tenait à quatre pour ne pas écrire et la rappeler… Enfin, il en est mort, c’est la vérité pure.

Une grande clarté se faisait dans l’esprit de Clotilde, à la fois bien heureuse et torturée. Mon Dieu ! c’était donc vrai, ce qu’elle avait soupçonné un instant ? Ensuite, elle avait pu finir par croire, devant l’obstination violente de Pascal, qu’il ne mentait pas, qu’entre elle et le travail il choisissait sincèrement le travail, en homme de science chez qui l’amour de l’œuvre l’emporte sur l’amour de la femme. Et il mentait pourtant, il avait poussé le dévouement, l’oubli de lui-même, jusqu’à s’immoler, pour ce qu’il pensait être son bonheur, à elle. Et la tristesse des