Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/349

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choses voulait qu’il se fût trompé, qu’il eût consommé ainsi leur malheur à tous.

De nouveau, Clotilde protestait, se désespérait.

— Mais comment aurais-je pu savoir ?… J’ai obéi, j’ai mis toute ma tendresse dans mon obéissance.

— Ah ! cria encore Martine, il me semble que j’aurais deviné, moi !

Ramond intervint, parla doucement. Il avait repris les mains de son amie, il lui expliqua que le chagrin avait pu hâter l’issue fatale, mais que le maître était malheureusement condamné depuis quelque temps. La maladie de cœur dont il souffrait devait dater d’assez loin déjà : beaucoup de surmenage, une part certaine d’hérédité, enfin toute sa passion dernière ; et le pauvre cœur s’était brisé.

— Montons, dit Clotilde. Je veux le voir.

En haut, dans la chambre, on avait fermé les volets, le crépuscule mélancolique n’était même pas entré. Deux cierges brûlaient sur une petite table, dans des flambeaux, au pied du lit. Et ils éclairaient d’une pâle lueur jaune Pascal étendu, les jambes serrées, les mains ramenées et à demi jointes, sur la poitrine. Pieusement, on avait clos les paupières. Le visage semblait dormir, bleuâtre encore, pourtant apaisé déjà, dans le flot épandu de la chevelure blanche et de la barbe blanche. Il était mort depuis une heure et demie à peine. L’infinie sérénité commençait, l’éternel repos.

À le revoir ainsi, à se dire qu’il ne l’entendait plus, qu’il ne la voyait plus, qu’elle était seule désormais, qu’elle le baiserait une dernière fois, puis qu’elle le perdrait pour toujours, Clotilde avait eu un grand élan de douleur, s’était jetée sur le lit, en ne pouvant balbutier que cet appel de tendresse :

— Oh ! maître, maître, maître…