Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/371

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Puis, le sommeil vint, il laissa retomber, sur le bras de sa mère, sa petite tête ronde et nue, déjà semée de rares cheveux pâles.

Alors, doucement, Clotilde se leva, le posa au fond du berceau, qui se trouvait près de la table. Elle demeura penchée un instant, pour être bien sûre qu’il dormait ; et elle rabattit le rideau de mousseline, dans l’ombre crépusculaire. Sans bruit, avec des gestes souples, marchant d’un pas si léger, qu’il effleurait à peine le parquet, elle s’occupa ensuite, rangea du linge qui était sur la table, traversa deux fois la pièce, à la recherche d’un petit chausson égaré. Elle était très silencieuse, très douce et très active. Et, ce jour-là, dans la solitude de la maison, elle songeait, l’année vécue se déroulait.

D’abord, après l’affreuse secousse du convoi, c’était le départ immédiat de Martine, qui s’était obstinée, ne voulant pas même faire ses huit jours, amenant, pour la remplacer, la jeune cousine d’une boulangère du voisinage, une grosse fille brune qui s’était trouvée heureusement assez propre et dévouée. Martine, elle, vivait à Sainte-Marthe, dans un trou perdu, si chichement, qu’elle devait encore faire des économies, sur les rentes de son petit trésor. On ne lui connaissait point d’héritier, à qui profiterait donc cette fureur d’avarice ? En dix mois, elle n’avait, pas une seule fois, remis les pieds à la Souleiade : monsieur n’était plus là, elle ne cédait même pas au désir de voir le fils de monsieur.

Puis, dans la songerie de Clotilde, la figure de sa grand’mère Félicité s’évoquait. Celle-ci venait la visiter de temps à autre, avec une condescendance de parente puissante, qui est d’esprit assez large pour pardonner toutes les fautes, quand elles sont cruellement expiées. Elle arrivait à l’improviste, embrassait l’enfant, faisait de la morale, donnait des conseils ; et la jeune mère avait