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XIV


Dans la salle de travail, Clotilde reboutonna son corsage, tenant encore, sur les genoux, son enfant, à qui elle venait de donner le sein. C’était après le déjeuner, vers trois heures, par une éclatante journée de la fin du mois d’août, au ciel de braise ; et les volets, soigneusement clos, ne laissaient pénétrer, à travers les fentes, que de minces flèches de soleil, dans l’ombre assoupie et tiède de la vaste pièce. La grande paix oisive du dimanche semblait s’épandre du dehors, avec un vol lointain de cloches, sonnant le dernier coup des vêpres. Pas un bruit ne montait de la maison vide, où la mère et le petit devaient rester seuls jusqu’au dîner, la servante ayant demandé la permission d’aller voir une cousine, dans le faubourg.

Un instant, Clotilde regarda son enfant, un gros garçon de trois mois déjà. Elle était accouchée vers les derniers jours de mai. Depuis dix mois bientôt, elle portait le deuil de Pascal, une simple et longue robe noire, dans laquelle elle était divinement belle, si fine, si élancée, avec son visage d’une jeunesse si triste, nimbé de ses admirables cheveux blonds. Et elle ne pouvait sourire, mais elle éprouvait une douceur à voir le bel enfant, gras et rose, avec sa bouche encore mouillée de lait, et dont le regard avait rencontré une des barres de soleil, où dansaient des poussières. Il semblait très surpris, il ne quittait pas des yeux cet éclat d’or, ce miracle éblouissant de clarté.