Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/71

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un ans qu’elle était à l’Asile, la vieille femme n’avait pas donné un souci à sa gardienne. Bien calme, bien douce, immobile dans son fauteuil, elle passait les journées à regarder devant elle ; et, comme l’enfant se plaisait là, comme elle-même semblait s’intéresser à lui, on fermait les yeux sur cette infraction aux règlements, on l’y laissait parfois deux et trois heures, très occupé à découper des images.

Mais ce nouveau contretemps avait mis le comble à la mauvaise humeur de Félicité. Elle se fâcha, lorsque Macquart proposa d’aller tous les cinq, en bande, chercher le petit.

— Quelle idée ! allez-y tout seul et revenez vite… Nous n’avons pas de temps à perdre.

Le frémissement de colère qu’elle contenait, parut amuser l’oncle ; et, dès lors, sentant combien il lui était désagréable, il insista, avec son ricanement.

— Dame ! mes enfants, nous verrions par la même occasion la vieille mère, notre mère à tous. Il n’y a pas à dire, vous savez, nous sommes tous sortis d’elle, et ce ne serait guère poli de ne pas aller lui souhaiter le bonjour, puisque mon petit-neveu, qui arrive de si loin, ne l’a peut-être bien jamais revue… Moi, je ne la renie pas, ah ! fichtre non ! Sûrement, elle est folle ; mais ça ne se voit pas souvent, des vieilles mères qui ont dépassé la centaine, et ça vaut la peine qu’on se montre un peu gentil pour elle.

Il y eut un silence. Un petit frisson glacé avait couru. Ce fut Clotilde, muette jusque-là, qui déclara la première, d’une voix émue :

— Vous avez raison, mon oncle, nous irons tous.

Félicité elle-même dut consentir. On remonta dans le landau, Macquart s’assit près du cocher. Un malaise avait blêmi le visage fatigué de Maxime ; et, durant le