Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/70

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allez tous trinquer, hein ? pour qu’il soit bien dit que votre oncle vous fait honneur à tous. Moi, je me fiche des mauvaises langues. J’ai du blé, j’ai des oliviers, j’ai des amandiers, et des vignes, et de la terre, autant qu’un bourgeois. L’été, je fume ma pipe à l’ombre de mes mûriers ; l’hiver, je vais la fumer là, contre mon mur, au soleil. Hein ? d’un oncle comme ça, on n’a pas à en rougir !… Clotilde, j’ai du sirop, si tu en veux. Et vous, Félicité, ma chère, je sais que vous préférez l’anisette. Il y a de tout, je vous dis qu’il y a de tout, chez moi !

Son geste s’était élargi, comme pour embrasser la possession de son bien-être de vieux gredin devenu ermite ; pendant que Félicité, qu’il effrayait depuis un moment, avec l’énumération de ses richesses, ne le quittait pas des yeux, prête à l’interrompre.

— Merci, Macquart, nous ne prendrons rien, nous sommes pressés… Où donc est Charles ?

— Charles, bon, bon ! tout à l’heure ! J’ai compris, le papa vient pour voir l’enfant… Mais ça ne va pas nous empêcher de boire un coup.

Et, lorsqu’on eut refusé absolument, il se blessa, il dit avec son rire mauvais :

— Charles, il n’est pas là, il est à l’Asile, avec la vieille.

Puis, emmenant Maxime au bout de la terrasse, il lui montra les grands bâtiments blancs, dont les jardins intérieurs ressemblaient à des préaux de prison.

— Tenez ! mon neveu, vous voyez trois arbres devant nous. Eh bien ! au-dessus de celui de gauche, il y a une fontaine, dans une cour. Suivez le rez-de-chaussée, la cinquième fenêtre à droite est celle de Tante Dide. Et c’est là qu’est le petit… Oui, je l’y ai mené tout à l’heure.

C’était une tolérance de l’administration. Depuis vingt et