Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/80

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et tirer de lui une promesse formelle. Jusqu’à Plassans, elle parla. Puis, tout d’un coup, comme le landau était secoué sur le pavé du faubourg :

— Mais, tiens ! la voilà, la mère… Cette grosse blonde, sur cette porte.

C’était au seuil d’une boutique de bourrelier, où pendaient des harnais et des licous. Justine prenait le frais, sur une chaise, en tricotant un bas, tandis que la petite fille et le petit garçon jouaient par terre, à ses pieds ; et, derrière eux, on apercevait, dans l’ombre de la boutique, Thomas, un gros homme brun, en train de recoudre une selle.

Maxime avait allongé la tête, sans émotion, simplement curieux. Il resta très surpris devant cette forte femme de trente-deux ans, à l’air si sage et si bourgeois, chez qui rien ne restait de la folle gamine avec laquelle il s’était déniaisé, lorsque tous deux, du même âge, entraient à peine dans leur dix-septième année. Peut-être eut-il seulement un serrement de cœur, lui malade et déjà très vieux, à la retrouver embellie et calme, très grasse.

— Jamais je ne l’aurais reconnue, dit-il.

Et le landau, qui roulait toujours, tourna dans la rue de Rome. Justine disparut, cette vision du passé, si différente, sombra dans le vague du crépuscule, avec Thomas, les enfants, la boutique.

À la Souleiade, la table était mise. Martine avait une anguille de la Viorne, un lapin sauté et un rôti de bœuf. Sept heures sonnaient, on avait tout le temps de dîner tranquillement.

— Ne te tourmente pas, répétait le docteur Pascal à son neveu. Nous t’accompagnerons au chemin de fer, ce n’est pas à dix minutes… Du moment que tu as laissé ta malle, tu n’auras qu’à prendre ton billet et à sauter dans le train.