Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/84

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Elle avait eu un geste éperdu, désignant les êtres et les choses, embrassant la Souleiade entière.

— Et, reprit Pascal en la regardant, si cependant Maxime avait besoin de toi ?

Ses yeux se mouillèrent, elle demeura un instant frémissante, car elle seule avait compris. La vision cruelle, de nouveau, s’était évoquée : Maxime, infirme, traîné dans une petite voiture par un domestique, comme le voisin qu’elle rencontrait. Mais sa passion protestait contre son attendrissement. Est-ce qu’elle avait un devoir, à l’égard d’un frère qui, pendant quinze ans, lui était resté étranger ? est-ce que son devoir n’était pas où était son cœur ?

— Écoute, Maxime, finit-elle par dire, laisse-moi réfléchir, moi aussi. Je verrai… Sois certain que je te suis très reconnaissante. Et, si un jour tu avais réellement besoin de moi, eh bien ! je me déciderais sans doute.

On ne put la faire s’engager davantage. Félicité, avec sa continuelle fièvre, s’y épuisa ; tandis que le docteur affectait maintenant de dire qu’elle avait donné sa parole. Martine apporta une crème, sans songer à cacher sa joie : prendre mademoiselle ! en voilà une idée, pour que monsieur mourût de tristesse, en restant tout seul ! Et la fin du dîner fut ralentie ainsi par cet incident. On était encore au dessert, lorsque huit heures et demie sonnèrent. Dès lors, Maxime s’inquiéta, piétina, voulut partir.

À la gare, où tous l’accompagnèrent, il embrassa une dernière fois sa sœur.

— Souviens-toi.

— N’aie pas peur, déclara Félicité, nous sommes là pour lui rappeler sa promesse.

Le docteur souriait, et tous trois, dès que le train se fut mis en branle, agitèrent leurs mouchoirs.