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LE VENTRE DE PARIS.

trines bombées, entrevues confusément. Au fond de toute cette nourriture, son grand corps blond, ses joues, ses mains, son cou puissant, au poil roussâtre, avaient la chair fine des dindes superbes et la rondeur de ventre des oies grasses.

Quand il aperçut la belle Lisa, il se leva brusquement, rougissant d’avoir été surpris, vautré de la sorte. Il était toujours très-timide, très-gêné devant elle. Et lorsqu’elle lui demanda si monsieur Gavard était là :

— Non, je ne sais pas, balbutia-t-il ; il était là tout à l’heure, mais il est reparti.

Elle souriait en le regardant, elle avait une grande amitié pour lui. Comme elle laissait pendre une main, elle sentit un frôlement tiède, elle poussa un petit cri. Sous la table d’étalage, dans une caisse, des lapins vivants allongeaient le cou, flairaient ses jupes.

— Ah ? dit-elle en riant, ce sont tes lapins qui me chatouillent.

Elle se baissa, voulut caresser un lapin blanc qui se réfugia dans un coin de la caisse. Puis, se relevant :

— Et rentrera-t-il bientôt, monsieur Gavard ?

Marjolin répondit de nouveau qu’il ne savait pas. Ses mains tremblaient un peu. Il reprit d’une voix hésitante :

— Peut-être qu’il est à la resserre… Il m’a dit, je crois, qu’il descendait.

— J’ai envie de l’attendre, alors, reprit Lisa. On pourrait lui faire savoir que je suis là… À moins que je ne descende. Tiens ! c’est une idée. Il y a cinq ans que je me promets de voir les resserres… Tu vas me conduire, n’est-ce pas ? Tu m’expliqueras.

Il était devenu très-rouge. Il sortit précipitamment de la boutique, marchant devant elle, abandonnant l’étalage, répétant :