Page:Emile Zola - Le Ventre de Paris.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
230
LES ROUGON-MACQUART.


— Certainement… Tout ce que vous voudrez, madame Lisa.

Mais, en bas, l’air noir de la cave suffoqua la belle charcutière. Elle restait sur la dernière marche, levant les yeux, regardant la voûte, à bandes de briques blanches et rouges, faite d’arceaux écrasés, pris dans des nervures de fonte et soutenus par des colonnettes. Ce qui l’arrêtait là, plus encore que l’obscurité, c’était une odeur chaude, pénétrante, une exhalaison de bêtes vivantes, dont les alcalis la piquaient au nez et à la gorge.

— Ça sent très-mauvais, murmura-t-elle. Ce ne serait pas sain, de vivre ici.

— Moi, je me porte bien, répondit Marjolin étonné. L’odeur n’est pas mauvaise, quand on y est habitué. Puis, on a chaud l’hiver ; on est très à son aise.

Elle le suivit, disant que ce fumet violent de volaille la répugnait, qu’elle ne mangerait certainement pas de poulet de deux mois. Cependant, les resserres, les étroites cabines, où les marchands gardent les bêtes vivantes, allongeaient leurs ruelles régulières, coupées à angles droits. Les becs de gaz étaient rares, les ruelles dormaient, silencieuses, pareilles à un coin de village, quand la province est au lit. Marjolin fit toucher à Lisa le grillage à mailles serrées, tendu sur des cadres de fonte. Et, tout en longeant une rue, elle lisait les noms des locataires, écrits sur des plaques bleues.

— Monsieur Gavard est tout au fond, dit le jeune homme, qui marchait toujours.

Ils tournèrent à gauche, ils arrivèrent dans une impasse, dans un trou d’ombre, où pas un filet de lumière ne glissait. Gavard n’y était pas.

— Ça ne fait rien, reprit Marjolin. Je vais tout de même vous montrer nos bêtes. J’ai une clef de la resserre.

La belle Lisa entra derrière lui dans cette nuit épaisse. Là,