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SON EXCELLENCE


EUGÈNE ROUGON




I


Le président était encore debout, au milieu du léger tumulte que son entrée venait de produire. Il s’assit, en disant à demi-voix, négligemment :

— La séance est ouverte.

Et il classa les projets de loi, placés devant lui, sur le bureau. À sa gauche, un secrétaire, myope, le nez sur le papier, lisait le procès-verbal de la dernière séance, d’un balbutiement rapide que pas un député n’écoutait. Dans le brouhaha de la salle, cette lecture n’arrivait qu’aux oreilles des huissiers, très-dignes, très-corrects, en face des poses abandonnées des membres de la Chambre.

Il n’y avait pas cent députés présents. Les uns se renversaient à demi sur les banquettes de velours rouge, les yeux vagues, sommeillant déjà. D’autres, pliés au bord de leurs pupitres comme sous l’ennui de cette corvée d’une séance publique, battaient doucement l’acajou du bout de leurs doigts. Par la baie vitrée qui taillait dans le ciel une demi-lune grise, toute la pluvieuse après-midi de mai entrait, tombant d’aplomb,