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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

dans l’ombre, derrière un vieux monsieur chauve ; et ils restaient bien tranquilles tous les deux, très-rouges.

À ce moment, le président achevait sa lecture. Il jeta ces derniers mots d’une voix un peu tombée, qui s’embarrassait dans la rudesse barbare de la phrase :

— Présentation d’un projet de loi ayant pour objet d’autoriser l’élévation du taux d’intérêt d’un emprunt autorisé par la loi du 9 juin 1853, et une imposition extraordinaire par le département de la Manche.

M. Kahn venait de courir à la rencontre d’un député qui entrait dans la salle. Il l’amena, en disant :

— Voici M. de Combelot… Il va nous donner des nouvelles.

M. de Combelot, un chambellan que le département des Landes avait nommé député sur un désir formel exprimé par l’empereur, s’inclina d’un air discret, en attendant qu’on le questionnât. C’était un grand bel homme, très-blanc de peau, avec une barbe d’un noir d’encre qui lui valait de vifs succès parmi les femmes.

— Eh bien ! interrogea M. Kahn, qu’est-ce qu’on dit au château ? Qu’est-ce que l’empereur a décidé ?

— Mon Dieu, répondit M. de Combelot en grasseyant, on dit bien des choses… L’empereur a la plus grande amitié pour monsieur le président du Conseil d’État. Il est certain que l’entrevue a été très-amicale… Oui, elle a été très-amicale.

Et il s’arrêta, après avoir pesé le mot, pour savoir s’il ne s’était pas trop avancé.

— Alors, la démission est retirée ? reprit M. Kahn, dont les yeux brillèrent.

— Je n’ai pas dit cela, reprit le chambellan très-inquiet. Je ne sais rien. Vous comprenez, ma situation est particulière…

Il n’acheva pas, il se contenta de sourire, et se hâta de