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LES ROUGON-MACQUART.

bile, la face toute blanche, dans une tranquillité hautaine de statue.

— Pourquoi ne voulez-vous pas ? répéta-t-il. Vous m’avez bien laissé prendre vos bras nus… Dites-moi seulement pourquoi vous ne voulez pas ?

Elle restait grave, supérieure à l’injure, les yeux ailleurs.

— Parce que, dit-elle enfin.

Et, le regardant, elle reprit, au bout d’un silence :

— Épousez-moi… Après, tout ce que vous voudrez.

Il eut un rire contraint, un rire bête et blessant, qu’il accompagna d’un refus de la tête.

— Alors, jamais ! s’écria-t-elle, entendez-vous, jamais, jamais !

Ils n’ajoutèrent pas un mot, ils rentrèrent dans l’écurie. Les chevaux, au fond de leurs stalles, tournaient la tête, soufflant plus fort, inquiets de ce bruit de lutte qu’ils avaient entendu derrière eux. Le soleil venait de gagner les deux lucarnes, deux rayons jaunes éclaboussaient l’ombre d’une poussière éclatante ; et le pavé, à l’endroit où les rayons le frappaient, fumait, dégageant un redoublement d’odeur. Cependant, Clorinde, très-paisible, la cravache sous le bras, s’était de nouveau glissée près de Monarque. Elle lui posa deux baisers sur les narines, en disant :

— Adieu, mon gros. Tu es sage, toi !

Rougon, brisé, honteux, éprouvait un grand calme. Le dernier coup de cravache avait comme satisfait sa chair. De ses mains restées tremblantes, il renouait sa cravate, il tâtait si son veston était bien boutonné. Puis, il se surprit à enlever soigneusement de l’amazone de la jeune fille les quelques brins de paille qui s’y étaient accrochés. Maintenant, une crainte d’être trouvé-là, avec elle, lui faisait tendre l’oreille. Elle, comme s’il ne se fût