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LES ROUGON-MACQUART.

reur prenait une pose attentive de femme comme il faut ; tandis que le colonel approuvait de la tête, et que la jolie madame Bouchard s’abandonnait sur les genoux de M. d’Escorailles. Cependant, au bureau, le président, les secrétaires, jusqu’aux huissiers, écoutaient, sans un geste, solennellement.

— « Le berceau du Prince Impérial, reprit le rapporteur, est désormais la sécurité pour l’avenir ; car, en perpétuant la dynastie que nous avons tous acclamée, il assure la prospérité du pays, son repos dans la stabilité, et, par là même, celui du reste de l’Europe. »

Quelques chuts ! durent empêcher l’enthousiasme d’éclater, à cette image touchante du berceau.

— « À une autre époque, un rejeton de ce sang illustre semblait aussi promis à de grandes destinées, mais les temps n’ont aucune similitude. La paix est le résultat du règne sage et profond dont nous recueillons les fruits, de même que le génie de la guerre dicta ce poëme épique qui constitue le premier Empire.

» Salué à sa naissance par le canon, qui, du Nord au Midi, proclamait le succès de nos armes, le roi de Rome n’eut pas même la fortune de servir sa patrie : tels furent alors les enseignements de la Providence. »

— Qu’est-ce qu’il dit donc ? il s’enfonce, murmura le sceptique M. La Rouquette. C’est maladroit, tout ce passage. Il va gâter son morceau.

À la vérité, les députés devenaient inquiets. Pourquoi ce souvenir historique qui gênait leur zèle ? Certains se mouchèrent. Mais le rapporteur, sentant le froid jeté par sa dernière phrase, eut un sourire. Il haussa la voix, il poursuivit son antithèse, en balançant les mots, certain de son effet.