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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

à quoi se distraire, s’approchaient des fenêtres, regardaient la nuit. M. Beulin-d’Orchère continuait dans un coin sa dissertation contre le divorce. Le romancier, qui trouvait ça « crevant », demandait tout bas à l’un des académiciens s’il n’était pas permis d’aller se coucher. Cependant, l’empereur apparaissait de temps à autre, traversant la galerie en traînant les pieds, une cigarette aux lèvres.

— Il a été impossible de rien organiser pour ce soir, expliquait M. de Combelot au petit groupe formé par Rougon et ses amis. Demain, après la chasse à courre, il y aura une curée froide aux flambeaux. Après-demain, les artistes de la Comédie Française doivent venir jouer les Plaideurs. On parle aussi de tableaux vivants et d’une charade, qu’on représenterait vers la fin de la semaine.

Et il fournit des détails. Sa femme devait avoir un rôle. Les répétitions allaient commencer. Puis, il conta longuement une promenade faite l’avant-veille par la cour à la Pierre-qui-tourne, un monolithe druidique, autour duquel on pratiquait alors des fouilles. L’impératrice avait tenu à descendre dans l’excavation.

— Imaginez-vous, continua le chambellan d’une voix émue, que les ouvriers ont eu le bonheur de découvrir deux crânes devant Sa Majesté. Personne ne s’y attendait. On a été très-content.

Il caressait sa superbe barbe noire, qui lui valait tant de succès parmi les dames ; sa figure de bel homme vaniteux avait une douceur niaise ; et il zézayait en parlant, par excès de politesse.

— Mais, dit Clorinde, on m’avait assuré que les acteurs du Vaudeville donneraient une représentation de la pièce nouvelle… Les femmes ont des toilettes prodigieuses. Et l’on rit à se tordre, paraît-il.

M. de Combelot prit un air pincé.