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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

de sympathie. M. La Rouquette, plus perplexe encore qu’avant le dîner, emmena sa sœur à l’écart, afin de savoir à quoi s’en tenir ; mais elle ne put sans doute lui fournir aucune explication satisfaisante, car il revint avec un geste d’immense incertitude.

— Ah ! très bien ! murmura Clorinde, à un coup délicatement joué par Rougon.

Et elle jeta des regards significatifs aux amis du grand homme qui se trouvaient là. L’heure était bonne pour le pousser dans l’amitié de l’empereur. Elle mena l’attaque. Ce fut, pendant un instant, une pluie d’éloges.

— Diable ! laissa échapper Delestang, qui ne put trouver autre chose, sous l’ordre muet des yeux de sa femme.

— Et vous vous prétendiez maladroit ! dit le chevalier Rusconi avec ravissement. Ah ! sire, je vous en prie, ne jouez pas la France avec lui !

— Mais M. Rougon se conduirait très-bien à l’égard de la France, j’en suis sûr, ajouta M. Beulin-d’Orchère, en donnant un air fin à sa face de dogue.

Le mot était direct. L’empereur daignait sourire. Et il rit de bon cœur, lorsque Rougon, embarrassé de ces compliments, répondit par cette explication, d’un air modeste :

— Mon Dieu ! j’ai joué au bouchon, quand j’étais gamin.

En entendant rire Sa Majesté, toute la galerie éclata. Ce fut, pendant un moment, une gaieté extraordinaire. Clorinde, avec son flair de femme adroite, avait compris qu’en admirant Rougon, joueur très-médiocre en somme, on flattait surtout l’empereur, qui montrait une supériorité incontestable. Cependant, M. de Plouguern ne s’était pas encore exécuté, jalousant ce succès. Elle vint le heurter légèrement du coude, comme par mégarde. Il comprit et s’extasia au premier palet lancé par son col-