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LES ROUGON-MACQUART.

chercher les hommes qui s’y cachaient. Et comme on se mettait en place pour un quadrille, M. de Combelot s’assit obligeamment devant le piano. C’était un piano mécanique, avec une petite manivelle, à droite du clavier. Le chambellan, d’un mouvement continu du bras, tournait, l’air sérieux.

— Monsieur Rougon, disait l’empereur, on m’a parlé d’un travail, un parallèle entre la constitution anglaise et la nôtre… Je pourrai peut-être vous fournir des documents.

— Votre Majesté est trop bonne… Mais je nourris un autre projet, un vaste projet.

Et Rougon, voyant le souverain si affectueux, voulut profiter de l’occasion. Il expliqua son affaire tout au long, son rêve de grande culture dans un coin des Landes, le défrichement de plusieurs lieues carrées, la fondation d’une ville, la conquête d’une nouvelle terre. Pendant qu’il parlait, l’empereur levait sur lui ses yeux mornes, où une lueur s’allumait. Il ne disait rien, il hochait la tête par moments. Puis, quand l’autre se tut :

— Sans doute… on pourrait voir…

Et, se tournant vers un groupe voisin, composé de Clorinde, de son mari et de M. de Plouguern :

— Monsieur Delestang, donnez-nous donc votre avis… J’ai gardé le meilleur souvenir de ma visite à votre ferme-modèle de la Chamade.

Delestang s’approcha. Mais le cercle qui se formait autour de l’empereur dut reculer jusque dans l’embrasure d’une fenêtre. Madame de Combelot, en valsant, à demi pâmée entre les bras de M. La Rouquette, venait d’envelopper, d’un frôlement de sa longue traîne, les bas de soie de Sa Majesté. Au piano, M. de Combelot goûtait la musique qu’il faisait ; il tournait plus vite, il balançait sa belle tête correcte ; et, par moments, il abaissait un