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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

velle du piano. Delestang et M. de Combelot se précipitèrent, offrant de le remplacer. Mais les dames crièrent :

— Monsieur de Combelot, monsieur de Combelot… Il tourne beaucoup mieux !

Le chambellan remercia d’un salut aimable, et tourna, avec une ampleur vraiment magistrale. Ce fut le dernier quadrille. On venait de servir le thé, dans le salon de famille. Néro, qui sortit de derrière un canapé, fut bourré de sandwichs. De petits groupes se formaient, causant d’une façon intime. M. de Plouguern avait emporté une brioche sur le coin d’une console ; il mangeait, buvant de légères gorgées de thé, expliquant à Delestang, avec lequel il partageait sa brioche, comment il avait fini par accepter des invitations à Compiègne, lui dont on connaissait les opinions légitimistes. Mon Dieu ! c’était bien simple : il croyait ne pas pouvoir refuser son concours à un gouvernement qui sauvait la France de l’anarchie. Il s’interrompit pour dire :

— Elle est excellente, cette brioche… Moi, j’avais assez mal dîné, ce soir.

À Compiègne, d’ailleurs, sa verve méchante était toujours en éveil. Il parla de la plupart des femmes présentes, avec une crudité de paroles, dont Delestang rougissait. Il ne respectait que l’impératrice, une sainte ; elle montrait une dévotion exemplaire, elle était légitimiste et aurait sûrement rappelé Henri V, si elle avait pu disposer librement du trône. Pendant un instant, il célébra les douceurs de la religion. Puis, comme il entamait de nouveau une anecdote graveleuse, l’impératrice justement rentra dans ses appartements, suivie de madame de Llorentz. Sur le seuil de la porte, elle fit une grande révérence à l’assemblée. Tout le monde, silencieusement, s’inclina.

Les salons se vidèrent. On causait plus fort. Des poi-