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LES ROUGON-MACQUART.

decin. La journée était superbe, un clair soleil de janvier, dans un ciel blanc. Gilquin ne demeurait plus passage Guttin, aux Batignolles. Sa carte portait : rue Guisarde, faubourg Saint-Germain.

Rougon eut toutes les peines du monde à découvrir cette rue abominablement sale, située près de Saint-Sulpice. Il trouva, au fond d’une allée noire, une concierge couchée, qui lui cria de son lit, d’une voix cassée par la fièvre :

— M. Gilquin !… Ah ! je ne sais pas. Voyez au quatrième, tout en haut, la porte à gauche.

Au quatrième étage, le nom de Gilquin était écrit sur la porte, entouré d’arabesques représentant des cœurs enflammés percés de flèches. Mais il eut beau frapper, il n’entendit, derrière le bois, que le tictac d’un coucou et le miaulement d’une chatte, très-doux dans le silence. À l’avance, il se doutait qu’il faisait une course inutile ; cela le soulagea pourtant d’être venu. Il redescendit, calmé, en se disant qu’il pouvait bien attendre le soir. Puis, dehors, il ralentit le pas ; il traversa le marché Saint-Germain, suivit la rue de Seine, sans but, un peu las déjà, décidé cependant à rentrer à pied. Et, comme il arrivait à la hauteur de la rue Jacob, il songea aux Charbonnel. Depuis dix jours, il ne les avait pas vus. Ils le boudaient. Alors, il résolut de monter un instant chez eux pour leur tendre la main. Cette après-midi-là, le temps était si tiède, qu’il se sentait tout attendri.

La chambre des Charbonnel, à l’hôtel du Périgord, donnait sur la cour, un puits sombre, d’où montait une odeur d’évier mal lavé. Elle était noire, grande, avec un mobilier d’acajou écloppé et des rideaux de damas rouge déteint. Lorsque Rougon entra, madame Charbonnel pliait ses robes, qu’elle mettait au fond d’une grande malle,