Page:Emile Zola - Son Excellence Eugène Rougon.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
237
SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

tandis que M. Charbonnel, suant, les bras raidis, ficelait une autre malle, plus petite.

— Eh bien, vous partez ? demanda-t-il en souriant.

— Oh ! oui, répondit madame Charbonnel avec un profond soupir ; cette fois, c’est bien fini.

Cependant, ils s’empressèrent, très-flattés de le voir chez eux. Toutes les chaises étaient encombrées par des vêtements, des paquets de linge, des paniers dont les flancs crevaient. Il s’assit sur le bord du lit, en reprenant de son air bonhomme :

— Laissez donc ! je suis très bien là… Continuez ce que vous faisiez, je ne veux pas vous déranger… C’est par le train de huit heures que vous partez ?

— Oui, par le train de huit heures, dit M. Charbonnel. Ça nous fait encore six heures à passer dans ce Paris… Ah ! nous nous en souviendrons longtemps, monsieur Rougon.

Et lui qui parlait peu d’ordinaire, lâcha des choses terribles, alla jusqu’à montrer le poing à la fenêtre, en disant qu’il fallait venir dans une ville pareille, pour ne pas voir clair chez soi, à deux heures de l’après-midi. Ce jour sale tombant du puits étroit de la cour, c’était Paris. Mais, Dieu merci ! il allait retrouver le soleil, dans son jardin de Plassans. Et il regardait autour de lui s’il n’oubliait rien. Le matin, il avait acheté un Indicateur des chemins de fer. Sur la cheminée, dans un papier taché de graisse, il montra un poulet qu’ils emportaient pour manger en route.

— Ma bonne, répétait-il, as-tu bien vidé tous les tiroirs ?… J’avais des pantoufles dans la table de nuit… Je crois que des papiers sont tombés derrière la commode…

Rougon, au bord du lit, regardait avec un serrement de cœur les préparatifs de ces vieilles gens, dont les