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LES ROUGON-MACQUART.

la porte au fond du couloir, dans une petite chambre noire qui donnait sur la cour.

Rougon, résigné, l’écoutait.

— Il y a trois jours donc, continua Gilquin, j’avais apporté un gâteau et une bouteille de vin… Nous avons mangé ça dans le lit, tu comprends. Nous nous couchons de bonne heure… Eulalie s’est levée un peu avant minuit, pour secouer les miettes. Puis, la voilà qui dort à poings fermés. Une vraie souche, cette fille !… Moi, je ne dormais pas. J’avais soufflé la bougie, je regardais en l’air, lorsqu’une dispute s’est élevée dans la chambre voisine. Il faut te dire que les deux chambres communiquaient par une porte aujourd’hui condamnée. Les voix restaient basses ; la paix parut se faire ; mais j’entendis des bruits si singuliers, que, ma foi, j’allai coller un œil contre une fente de la porte… Non, tu ne devinerais jamais…

Il s’arrêta, les yeux arrondis, jouissant de l’effet qu’il pensait produire.

— Eh bien ! ils étaient deux, un jeune de vingt-cinq ans, assez gentil, et un vieux qui doit avoir dépassé la cinquantaine, petit, maigre, maladif… Les gaillards examinaient des pistolets, des poignards, des épées, toutes sortes d’armes neuves dont l’acier luisait… Ils parlaient dans un jargon à eux, que je ne comprenais pas d’abord. Mais, à certains mots, j’ai reconnu de l’italien. Tu sais, j’ai voyagé en Italie, pour les pâtes. Alors, je me suis appliqué, et j’ai compris, mon bon… Ce sont des messieurs qui sont venus à Paris pour assassiner l’empereur. Voilà !

Et il croisa les bras, serrant sa canne sur sa poitrine, tandis qu’il répétait à plusieurs reprises :

— Hein ? elle est drôle !

C’était là l’affaire que Gilquin trouvait drôle. Rougon