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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

Mais Gilquin ne se pressait pas. Il branla la tête, il dit en regardant la gravure :

— C’est touché tout de même !… Il a l’air de joliment s’embêter, là-dessus !

Le cabinet se trouvait éclairé par une seule lampe, posée sur un coin du bureau. À l’entrée de Rougon, un petit bruit, un frémissement de papier, était parti d’un fauteuil à dossier énorme, placé devant la cheminée ; puis, un tel silence avait régné, qu’on eût pu croire au craquement d’un tison à demi éteint. Gilquin, d’ailleurs, refusait de s’asseoir. Les deux hommes demeurèrent près de la porte, dans un pan d’ombre que jetait un corps de bibliothèque.

— Eh bien ? répétait Rougon.

Et il dit avoir passé rue Guisarde, l’après-midi. Alors, l’autre parla de sa concierge, une excellente femme, qui s’en allait de la poitrine, à cause de la maison, dont le rez-de-chaussée était humide.

— Mais cette affaire pressée… Qu’est-ce donc ?

— Attends ! Je suis venu pour ça. Nous allons causer… Et tu es monté, tu as entendu la chatte ? Imagine-toi, c’est une chatte qui est venue par les gouttières. Une nuit, comme ma fenêtre était restée ouverte, je l’ai trouvée couchée avec moi. Elle me léchait la barbe. Ça m’a semblé une farce, et je l’ai gardée.

Enfin, il se décida à parler de l’affaire. Mais l’histoire fut longue. Il commença par conter ses amours avec une repasseuse, dont il s’était fait aimer, un soir, à la sortie de l’Ambigu. Cette pauvre Eulalie venait d’être obligée de laisser ses meubles à son propriétaire, parce qu’un amant l’avait quittée, juste au moment où elle devait cinq termes. Alors, depuis dix jours, elle habitait un hôtel de la rue Montmartre, près de son atelier ; et c’était chez elle qu’il avait couché toute la semaine, au deuxième,