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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

Comme il arrivait en face du palais de Justice, une horloge sonna neuf heures. Il eut un tressaillement, il se tourna, prêta l’oreille ; il lui semblait entendre passer sur les toits une panique soudaine, des bruits lointains d’explosions, des cris d’épouvante. Paris, tout d’un coup, lui parut dans la stupeur de quelque grand crime. Et il se rappela alors de cette après-midi de juin, l’après-midi claire et triomphante du baptême, les cloches sonnant dans le soleil chaud, les quais emplis d’un écrasement de foule, toute cette gloire de l’empire à son apogée, sous laquelle il s’était senti un instant écrasé, au point de jalouser l’empereur. À cette heure, c’était sa revanche, un ciel sans lune, la ville terrifiée et muette, les quais vides, traversés d’un frisson qui effarait les becs de gaz, avec quelque chose de louche embusqué au fond de la nuit. Lui, respirant à longs soupirs, aimait ce Paris coupe-gorge, dans l’ombre effrayante duquel il ramassait la toute-puissance.

Dix jours plus tard, Rougon remplaça au ministère de l’intérieur M. de Marsy, qui fut nommé président du Corps législatif.