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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

Et il regardait autour de lui, dans les coins de la pièce, comme pour trouver. Son regard brusquement tomba sur M. Béjuin, allongé devant la cheminée, silencieux, béat.

— Monsieur Béjuin ! appela-t-il.

Celui-ci ouvrit doucement les yeux, sans bouger.

— Voulez-vous être inspecteur ? Je vous expliquerai : une place de six mille francs, où l’on n’a rien à faire, et qui est très-compatible avec vos fonctions de député.

M. Béjuin dodelina de la tête. Oui, oui, il acceptait. Et, quand l’affaire fut entendue, il resta encore là deux minutes à flairer l’air. Mais il sentit sans doute qu’il n’y aurait plus rien à ramasser ce matin-là, car il se retira lentement, en traînant les pieds, derrière M. d’Escorailles.

— Nous voilà seuls… Voyons, qu’y a-t-il, ma chère enfant ? demanda Rougon à la jolie madame Bouchard.

Il avait roulé un fauteuil, et s’était assis devant elle, au milieu du cabinet. Alors, il remarqua sa toilette, une robe de cachemire de l’Inde rose pâle, d’une grande douceur, qui la drapait comme un peignoir. Elle était habillée sans l’être. Sur ses bras, sur sa gorge, l’étoffe souple vivait ; tandis que, dans la mollesse de la jupe, de larges plis marquaient la rondeur de ses jambes. Il y avait là une nudité très-savante, une séduction calculée jusque dans la taille placée un peu haut, dégageant les hanches. Et pas un bout de jupon ne se montrait, elle semblait sans linge, délicieusement mise pourtant.

— Voyons, qu’y a-t-il ? répéta Rougon.

Elle souriait, ne parlant pas encore. Elle se renversait, les cheveux frisés sous son chapeau rose, montrant la blancheur mouillée de ses dents, entre ses lèvres ouvertes. Sa petite figure avait un abandon câlin, un air de prière ardent et soumis.