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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

Lui, la tête baissée, se ruant sur elle, avait saisi une de ses mains qu’il mangeait de baisers. Elle la lui abandonnait. Elle continuait à se moquer, sans se fâcher.

— Pourvu que vous ne me mordiez pas les doigts, c’est tout ce que je vous demande… Ah ! je n’aurais pas cru cela de vous ! Vous étiez devenu si sage, quand j’allais vous voir rue Marbeuf ! Et vous voilà de nouveau en folie, parce que je vous raconte des saletés, dont je n’ai jamais eu l’idée, Dieu merci ! Eh bien, vous êtes propre, mon cher !… Moi, je ne brûle pas si longtemps. C’est de l’histoire ancienne. Vous n’avez pas voulu de moi, je ne veux plus de vous.

— Écoutez, tout ce que vous voudrez, murmura-t-il. Je ferai tout, je donnerai tout.

Mais elle disait encore non, le punissant dans sa chair de ses anciens dédains, goûtant là une première vengeance. Elle l’avait souhaité tout-puissant pour le refuser et faire ainsi un affront à sa force d’homme.

— Jamais, jamais ! répéta-t-elle à plusieurs reprises. Vous ne vous souvenez donc pas ? Jamais !

Alors, honteusement, Rougon se traîna à ses pieds. Il avait pris ses jupes entre ses bras, il baisait ses genoux à travers la soie. Ce n’était pas la robe molle de madame Bouchard, mais un paquet d’étoffe d’une épaisseur irritante, et qui pourtant le grisait de son odeur. Elle, avec un haussement d’épaules, lui abandonnait les jupes. Mais il s’enhardissait, ses mains descendaient, cherchaient les pieds, au bord du volant.

— Prenez garde ! dit-elle de sa voix paisible.

Et, comme il enfonçait les mains, elle lui posa sur le front le bout embrasé de sa cigarette. Il recula en poussant un cri, voulut de nouveau se précipiter sur elle. Mais elle s’était échappée et tenait un cordon de sonnette, adossée contre le mur, près de la cheminée. Elle cria :