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LES ROUGON-MACQUART.

— Je sonne, je dis que c’est vous qui m’avez enfermée !

Il tourna sur lui-même, les poings aux tempes, le corps secoué d’un grand frisson. Et, pendant quelques secondes, il demeura immobile, avec la peur d’entendre sa tête éclater. Il se roidissait pour se calmer d’un coup, les oreilles bourdonnantes, les yeux aveuglés de flammes rouges.

— Je suis une brute, murmura-t-il. C’est stupide.

Clorinde riait d’un air de victoire, en lui faisant de la morale. Il avait tort de mépriser les femmes ; plus tard, il reconnaîtrait qu’il existait des femmes très-fortes. Puis, elle retrouva son ton de bonne fille.

— Nous ne sommes pas fâchés, hein ?… Voyez-vous, ne me demandez jamais ça. Je ne veux pas, ça ne me plaît pas.

Rougon se promenait, honteux de lui. Elle lâcha le cordon de sonnette, alla se rasseoir devant la table, où elle se fit un verre d’eau sucrée.

— J’ai donc reçu hier une lettre de mon mari, reprit-elle tranquillement. J’avais tant d’affaires ce matin, que je vous aurais peut-être manqué de parole pour le déjeuner, si je n’avais désiré vous la montrer. Tenez, la voici… Il vous rappelle vos promesses.

Il prit la lettre, la lut en marchant, la rejeta sur la table, devant elle, avec un geste d’ennui.

— Eh bien ? demanda-t-elle.

Mais lui, ne parla pas tout de suite. Il gonflait le dos, il bâillait légèrement.

— Il est bête, finit-il par dire.

Elle fut très-blessée. Depuis quelque temps, elle ne tolérait plus qu’on parût douter des capacités de son mari. Elle baissa un instant la tête, réprimant les petits mouvements de révolte dont ses mains étaient agitées.