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LES ROUGON-MACQUART.

— Et le pis, monsieur, c’est que personne n’ignore les liens qui vous attachent à l’administration. Comment les autres feuilles peuvent-elles nous respecter, si les journaux que nous payons ne nous respectent pas ?… Depuis ce matin, tous mes amis me dénoncent ces abominations.

Alors, le directeur cria avec Rougon. Ces articles-là ne lui avaient point passé sous les yeux. Mais il allait flanquer tous ses rédacteurs à la porte. Si Son Excellence le voulait, il communiquerait chaque matin à Son Excellence une épreuve du numéro. Rougon, soulagé, refusa ; il n’avait pas le temps. Et il poussait le directeur vers la porte, lorsqu’il se ravisa.

— J’oubliais. Votre feuilleton est odieux… Cette femme bien élevée qui trompe son mari, est un argument détestable contre la bonne éducation. On ne doit pas laisser dire qu’une femme comme il faut puisse commettre une faute.

— Le feuilleton a beaucoup de succès, murmura le directeur, inquiet de nouveau. Je l’ai lu, je l’ai trouvé très-intéressant.

— Ah ! vous l’avez lu… Eh bien ! cette malheureuse a-t-elle des remords à la fin ?

Le directeur porta la main à son front, ahuri, cherchant à se souvenir.

— Des remords ? non, je ne crois pas.

Rougon avait ouvert la porte. Il la referma sur lui, en criant :

— Il faut absolument qu’elle ait des remords !… Exigez de l’auteur qu’il lui donne des remords !