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LES ROUGON-MACQUART.

lait d’agrandir les bâtiments du lycée, tandis que les six membres de la Société de statistique, muets, approuvaient tout de la tête.

— Nous verrons demain, messieurs, répondait Rougon, les paupières à demi fermées. Je suis ici pour connaître vos besoins et faire droit à vos requêtes.

Dix heures sonnaient, lorsqu’un domestique vint dire un mot au préfet, qui se pencha aussitôt à l’oreille du ministre. Celui-ci se hâta de sortir. Madame Correur l’attendait, dans une pièce voisine. Elle était avec une fille grande et mince, la figure fade, toute salie de taches de rousseur.

— Comment ! vous êtes à Niort ! s’écria Rougon.

— Depuis cette après-midi seulement, dit madame Correur. Nous sommes descendues là, en face, place de la Préfecture, à l’hôtel de Paris.

Et elle expliqua qu’elle arrivait de Coulonges, où elle avait passé deux jours. Puis, s’interrompant pour montrer la grande fille :

— Mademoiselle Herminie Billecoq, qui a bien voulu m’accompagner.

Herminie Billecoq fit une révérence cérémonieuse. Madame Correur continua :

— Je ne vous ai pas parlé de ce voyage, parce que vous m’auriez peut-être blâmée ; mais c’était plus fort que moi, je voulais voir mon frère… Quand j’ai appris votre voyage à Niort, je suis accourue. Nous vous guettions, nous vous avons regardé entrer à la préfecture ; seulement nous avons jugé préférable de nous présenter très-tard. Ces petites villes sont si méchantes !

Rougon approuva de la tête. Madame Correur, en effet, grasse, peinte en rose, habillée de jaune, lui semblait compromettante en province.

— Et vous avez vu votre frère ? demanda-t-il.