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LES ROUGON-MACQUART.

directes et le conservateur des hypothèques. Plusieurs de ces messieurs étaient avec leurs dames. La femme du proviseur, la jolie blonde, vêtue d’une toilette bleu ciel du plus piquant effet, causa une grosse émotion ; elle pria Son Excellence d’excuser son mari, retenu au lycée par une attaque de goutte, qui l’avait pris la veille au soir en rentrant. Cependant, d’autres personnages arrivaient : le colonel du 78e de ligne caserné à Niort, le président du tribunal de commerce, les deux juges de paix de la ville, le conservateur des eaux et forêts accompagné de ses trois demoiselles, des conseillers municipaux, des délégués de la Chambre consultative des arts et manufactures, de la Société de statistique et du Conseil des prud’hommes.

La réception avait lieu dans le grand salon de la préfecture. Du Poizat faisait les présentations. Et le ministre, souriant, plié en deux, accueillait chaque personne en vieille connaissance. Il savait des particularités étonnantes sur chacune d’elles. Il parla au procureur impérial, très-élogieusement, d’un réquisitoire prononcé dernièrement par lui dans une affaire d’adultère ; il demanda d’une voix émue au directeur des contributions directes des nouvelles de madame, alitée depuis deux mois ; il retint un instant le colonel du 78e de ligne, pour lui montrer qu’il n’ignorait pas les brillantes études de son fils à Saint-Cyr ; il causa chaussure avec un conseiller municipal qui possédait de grands ateliers de cordonnerie, et entama avec le conservateur des hypothèques, archéologue passionné, une discussion sur une pierre druidique découverte la semaine précédente. Quand il hésitait, cherchant sa phrase, Du Poizat venait à son aide, d’un mot habilement soufflé. D’ailleurs, il gardait un aplomb superbe.

Comme le président du tribunal de commerce entrait