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LES ROUGON-MACQUART.

Et il marcha à côté de Rougon, en lui annonçant qu’il retournerait le lendemain matin à Paris. Le congé de Pâques avait pris fin le mardi, la session était rouverte. Mais il avait cru devoir rester quelques jours de plus à Niort, pour faire les honneurs du département à Son Excellence.

Tous les invités étaient descendus dans la cour de la préfecture, où une dizaine de voitures, rangées aux deux côtés du perron, attendaient. Le ministre monta avec le député, le préfet et le maire, dans une calèche qui prit la tête. Le reste des invités s’empila le plus hiérarchiquement possible ; il y avait là deux autres calèches, trois victorias et des chars-à-bancs à six et à huit places. Dans la rue de la Préfecture, le défilé s’organisa. On partit au petit trot. Les rubans des dames s’envolaient, tandis que leurs jupes débordaient par-dessus les portières. Les chapeaux noirs des messieurs miroitaient au soleil. Il fallut traverser tout un bout de la ville. Le long des rues étroites, le pavé aigu secouait rudement les voitures qui passaient avec un bruit de ferraille. Et à toutes les fenêtres, sur toutes les portes, les Niortais saluaient sans un cri, cherchant Son Excellence, très-surpris de voir la redingote bourgeoise du ministre à côté de l’habit brodé d’or du préfet.

Au sortir de la ville, on roula sur une large promenade plantée d’arbres magnifiques. Il faisait très-doux ; une belle journée d’avril, un ciel clair, tout blond de soleil. La route, droite et unie, s’enfonçait au milieu de jardins pleins de lilas et d’abricotiers en fleur. Puis, les champs s’élargirent en vastes cultures, coupées de loin en loin par un bouquet d’arbres. Dans les voitures, on causait.

— Voilà une filature, n’est-ce pas ? dit Rougon, à l’oreille duquel le préfet se penchait.

Et s’adressant au maire, lui montrant le bâtiment de briques rouges, au bord de l’eau :