Page:Emile Zola - Son Excellence Eugène Rougon.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
318
LES ROUGON-MACQUART.

moulins en ruine. Là, au fond, au milieu d’un carré d’herbe, une tente était dressée, de la toile grise bordée d’un large galon rouge, avec des trophées de drapeaux, sur les quatre faces. Un millier de curieux venus à pied, des bourgeois, des dames, des paysans du quartier, s’étageaient à droite, du côté de l’ombre, le long de l’amphithéâtre formé par un des coteaux. Devant la tente, un détachement du 78e de ligne se trouvait sous les armes, en face des pompiers de Niort, dont le bel ordre était très-remarqué ; tandis que, au bord de la pelouse, une équipe d’ouvriers, en blouses neuves, attendaient, ayant à leur tête des ingénieurs boutonnés dans leurs redingotes. Dès que les voitures se montrèrent, la Société philharmonique de la ville, une société composée d’instrumentistes amateurs, se mit à jouer l’ouverture de La Dame blanche.

— Vive Son Excellence ! crièrent quelques voix, que le bruit des instruments étouffa.

Rougon descendit de voiture. Il levait les yeux, il regardait le trou au fond duquel il se trouvait, fâché de cet étranglement de l’horizon, qui lui semblait rapetisser la solennité. Et il resta là un instant dans l’herbe, attendant un compliment de bienvenue. Enfin, M. Kahn accourut. Il s’était échappé de la préfecture aussitôt après le déjeuner ; seulement il venait, par prudence, d’examiner la mine à laquelle Son Excellence devait mettre le feu. Ce fut lui qui conduisit le ministre jusqu’à la tente. Les invités suivaient. Il y eut un moment de confusion. Rougon demandait des renseignements.

— Alors, c’est dans cette tranchée que doit s’ouvrir le tunnel ?

— Parfaitement, répondit M. Kahn. La première mine est creusée dans ce rocher rougeâtre, où Votre Excellence voit un drapeau.