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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

Le coteau du fond, entamé à la pioche, montrait le roc. Des arbustes déracinés pendaient parmi les déblais. On avait semé de feuillages le sol de la tranchée. M. Kahn indiqua encore de la main le tracé de la voie ferrée, que marquait une double file de jalons, alignant des bouts de papier blanc, au milieu des sentiers, des herbes, des buissons. C’était un coin paisible de nature à éventrer.

Pourtant, les autorités avaient fini par se caser sous la tente. Les curieux, derrière, se penchaient, pour voir entre les toiles. La Société philharmonique achevait l’ouverture de la Dame blanche.

— Monsieur le ministre, dit tout à coup une voix aiguë qui vibra dans le silence, je tiens à remercier le premier Votre Excellence d’avoir bien voulu accepter l’invitation que nous nous sommes permis de lui adresser. Le département des Deux-Sèvres gardera un éternel souvenir…

C’était Du Poizat qui venait de prendre la parole. Il se tenait à trois pas de Rougon, debout tous les deux ; et, à certaines chutes de phrases cadencées, ils inclinaient légèrement la tête l’un vers l’autre. Il parla ainsi un quart d’heure, rappelant au ministre la façon brillante dont il avait représenté le département à l’Assemblée législative ; la ville de Niort avait inscrit son nom dans ses annales comme celui d’un bienfaiteur, et brûlait de lui témoigner sa reconnaissance en toute occasion. Du Poizat s’était chargé de la partie politique et pratique. Par moments, sa voix se perdait dans le plein air. Alors, on ne voyait plus que ses gestes, un mouvement régulier de son bras droit ; et le millier de curieux étagés sur le coteau, s’intéressaient aux broderies de sa manche, dont l’or luisait dans un coup de soleil.

Ensuite, M. Kahn s’avança au milieu de la tente. Lui, avait la voix très-grosse. Il aboyait certains mots. Le