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LES ROUGON-MACQUART.

minutes. Elle en tira une paire de gants noirs, et les glissa dans la poche de M. Martineau.

— J’espère, monsieur, demanda-t-elle, que vous me laisserez monter dans la voiture ? Je veux accompagner mon mari.

— C’est impossible, répondit brutalement Gilquin.

Elle se contint. Elle n’insista pas.

— Au moins, reprit-elle, me permettrez-vous de le suivre ?

— Les routes sont libres, dit-il. Mais vous ne trouverez pas de voiture, puisqu’il n’y en a pas dans le pays.

Elle haussa légèrement les épaules et sortit donner un ordre. Dix minutes plus tard, un cabriolet stationnait à la porte, derrière le coupé. Il fallut alors descendre M. Martineau. Les deux gendarmes le portèrent. Sa femme lui soutenait la tête. Et, à la moindre plainte poussée par le moribond, elle commandait impérieusement aux deux hommes de s’arrêter, ce que ceux-ci faisaient, malgré les regards terribles du commissaire. Il y eut ainsi un repos à chaque marche de l’escalier. Le notaire était comme un mort correctement vêtu qu’on emportait. On dut l’asseoir évanoui dans la voiture.

— Huit heures et demie ! cria Gilquin, en regardant une dernière fois sa montre. Quelle sacrée corvée ! Je n’arriverai jamais.

C’était une chose dite. Bien heureux s’il faisait son entrée vers le milieu du bal. Il sauta à cheval en jurant, il dit au cocher d’aller bon train. En tête venait le coupé, aux portières duquel galopaient les deux gendarmes ; puis, à quelques pas, le commissaire central et le brigadier suivaient ; enfin, le cabriolet où se trouvait madame Martineau, fermait la marche. La nuit était très-fraîche. Sur la route grise, interminable, au