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LES ROUGON-MACQUART.

— Est-ce que madame Martineau ne m’a pas cherché querelle, ensuite ! conta à son tour madame Correur. Je ne sais pas ce qu’elle barbotait ; elle parlait de l’héritage, elle m’accusait d’avoir porté le dernier coup à mon frère. Je lui ai répondu : « Moi, madame, jamais je ne l’aurais laissé emmener, je me serais plutôt fait hacher par les gendarmes ! » Et ils m’auraient hachée, comme je vous le dis… N’est-ce pas, Herminie ?

— Oui, oui, répondit la grande fille.

— Enfin, que voulez-vous, mes larmes ne le ressusciteront pas, mais on pleure parce qu’on a besoin de pleurer… Mon pauvre Martineau !

Rougon restait mal à l’aise. Il retira ses mains, dont madame Correur s’était emparée. Et il ne trouvait toujours rien à dire, répugné par les détails de cette mort qui lui semblait abominable.

— Tenez ! s’écria Herminie debout devant la fenêtre, on voit la chambre d’ici, là, en face, dans la grande clarté, la troisième fenêtre du premier étage, en partant de la gauche… Il y a une lumière derrière les rideaux.

Alors, il les congédia, pendant que madame Correur s’excusait, l’appelait son ami, expliquait le premier mouvement auquel elle avait cédé, en venant lui apprendre la fatale nouvelle.

— Cette histoire est bien fâcheuse, dit-il à l’oreille de Du Poizat, lorsqu’il rentra dans le bal, la face encore toute pâle.

— Eh ! c’est cet imbécile de Gilquin ! répondit le préfet en haussant les épaules.

Le bal flambait. Dans la salle à manger, dont on apercevait un coin par la porte grande ouverte, le premier adjoint bourrait de friandises les trois filles du conservateur des eaux et forêts ; tandis que le colonel du 78e de ligne buvait du punch, l’oreille tendue aux méchan-