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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

existe une faction obstinée à méconnaître les bases fondamentales du gouvernement. Il faudra de bien longues années pour que le pouvoir absolu s’impose à tous, efface des mémoires le souvenir des anciennes luttes, devienne indiscutable au point de se laisser discuter. En dehors du principe autoritaire appliqué dans toute sa rigueur, il n’y a pas de salut pour la France. Le jour où Votre Majesté croira devoir rendre au peuple la plus inoffensive des libertés, ce jour-là elle engagera l’avenir entier. Une liberté ne va pas sans une deuxième liberté, puis une troisième liberté arrive, balayant tout, les institutions et les dynasties. C’est la machine implacable, l’engrenage qui pince le bout du doigt, attire la main, dévore le bras, broie le corps… Et, sire, puisque je me permets de m’exprimer librement sur un tel sujet, j’ajouterai ceci : le parlementarisme a tué une monarchie, il ne faut pas lui donner un empire à tuer. Le Corps législatif remplit un rôle déjà trop bruyant. Qu’on ne l’associe jamais davantage à la politique dirigeante du souverain ; ce serait la source des plus tapageuses et des plus déplorables discussions. Les dernières élections générales ont prouvé une fois de plus la reconnaissance éternelle du pays ; mais il ne s’en est pas moins produit jusqu’à cinq candidatures dont le succès scandaleux doit être un avertissement. Aujourd’hui, la grosse question est d’empêcher la formation d’une minorité opposante, et surtout, si elle se forme, de ne pas lui fournir des armes pour combattre le pouvoir avec plus d’impudence. Un parlement qui se tait est un parlement qui travaille… Quant à la presse, sire, elle change la liberté en licence. Depuis mon entrée au ministère, je lis attentivement les rapports, je suis pris de dégoût chaque matin. La presse est le réceptacle de tous les ferments nauséabonds. Elle fomente les révolu-