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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

hâta d’aller voir, et il trouva Auguste très-intéressé par la baignoire qu’Antonia avait oublié de vider. Des ronds de citron, dont Clorinde s’était servie pour ses ongles, flottaient. Auguste, trempant ses doigts, les flairait, avec une sensualité de collégien.

— Il est insupportable, ce petit ! disait à demi-voix Clorinde. Il fouille partout.

— Mon Dieu ! continua doucement madame Correur, qui semblait avoir attendu la sortie du colonel, ce dont Rougon manque surtout, c’est de tact… Ainsi, entre nous, pendant que le brave colonel n’est pas là, Rougon a eu le plus grand tort de prendre ce jeune homme au ministère, en passant par-dessus les formalités. On ne rend pas à ses amis de ces sortes de services. On se déconsidère.

Mais Clorinde l’interrompit, murmurant :

— Chère dame, allez donc voir ce qu’ils font.

M. Kahn souriait. Quand madame Correur ne fut plus là, il baissa la voix à son tour.

— Elle est charmante !… Le colonel a été comblé par Rougon. Mais, vraiment, elle n’a guère à se plaindre. Rougon s’est absolument compromis pour elle, dans cette fâcheuse affaire Martineau. Il a fait preuve là de bien peu de moralité. On ne tue pas un homme pour être agréable à une vieille connaissance, n’est-ce pas ?

Il s’était levé, il marchait à petits pas. Puis, il retourna à l’antichambre prendre son porte-cigares dans son paletot. Le colonel et madame Correur rentraient.

— Tiens ! Kahn s’est envolé, dit le colonel.

Et, sans transition, il s’écria :

— Nous pouvons échiner Rougon, nous autres. Seulement, je trouve que Kahn devrait faire le mort. Je n’aime pas les gens sans cœur, moi… Tout à l’heure, j’ai évité de parler. Mais dans ce café où j’ai passé l’a-