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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

— Oui, nous revenons du lac, dit M. La Rouquette. Ma parole ! on m’a débauché… Je rentrais bien tranquillement travailler.

Il redevint subitement sérieux. Pendant la dernière session, il avait prononcé un discours à la Chambre sur une question d’amortissement, après un grand mois d’études spéciales ; et, depuis lors, il prenait des allures posées d’homme marié, comme s’il avait enterré sa vie de garçon à la tribune. Kahn l’emmena au fond de la chambre, en murmurant :

— À propos, vous qui êtes bien avec Marsy…

Leurs voix se perdirent, ils causèrent bas. Cependant, la jolie madame Bouchard, qui avait salué la comtesse, s’était assise devant le lit, gardant dans sa main la main de Clorinde, la plaignant beaucoup, d’une voix flûtée. M. Bouchard, debout, digne et correct, s’écria tout à coup, au milieu des conversations étouffées :

— Je ne vous ai pas conté ?… Il est gentil, le gros homme !

Et, avant de s’expliquer, il parla amèrement de Rougon, comme les autres. On ne pouvait plus lui rien demander, il n’était même plus poli ; et M. Bouchard tenait avant tout à la politesse. Puis, lorsqu’on lui demanda ce que Rougon lui avait fait, il finit par répondre :

— Moi, je n’aime pas les injustices… C’est pour un des employés de ma division, Georges Duchesne ; vous le connaissez, vous l’avez vu chez moi. Il est plein de mérite, ce garçon ! Nous le recevons comme notre enfant. Ma femme l’aime beaucoup, parce qu’il est de son pays… Alors, dernièrement, nous complotions ensemble de faire nommer Duchesne sous-chef. L’idée était de moi, mais tu l’approuvais, n’est-ce pas, Adèle ?

Madame Bouchard, l’air gêné, se pencha davantage