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LES ROUGON-MACQUART.

quis, père de Jules, mettait-il son orgueil à protéger le jeune homme. La famille gardait un culte dévot pour Henri V, tout en permettant que l’enfant se ralliât à l’empire. C’était un résultat de l’abomination des temps.

À la fenêtre du milieu, qu’ils avaient ouverte pour mieux s’isoler, M. Kahn et Du Poizat causaient, en regardant au loin les toits des Tuileries, qui bleuissaient dans une poussière de soleil. Ils se tâtaient, ils lâchaient des mots coupés par de grands silences. Rougon était trop vif. Il n’aurait pas dû se fâcher, à propos de cette affaire Rodriguez, si facile à arranger. Puis, les yeux perdus, M. Kahn murmura, comme se parlant à lui-même :

— On sait que l’on tombe, on ne sait jamais si l’on se relèvera.

Du Poizat feignit de n’avoir pas entendu. Et, longtemps après, il dit :

— Oh ! c’est un garçon très-fort.

Alors, le député se tourna brusquement, lui parla très-vite, dans la figure.

— , entre nous, j’ai peur pour lui. Il joue avec le feu… Certes, nous sommes ses amis, et il n’est pas question de l’abandonner. Je tiens à constater seulement qu’il n’a guère songé à nous, dans tout ceci… Ainsi moi, par exemple, j’ai entre les mains des intérêts énormes qu’il vient de compromettre par son coup de tête. Il n’aurait pas le droit de m’en vouloir, n’est-ce pas ? si j’allais maintenant frapper à une autre porte ; car, enfin, ce n’est pas seulement moi qui souffre, ce sont aussi les populations.

— Il faut frapper à une autre porte, répéta Du Poizat avec un sourire.

Mais l’autre, pris d’une colère subite, lâcha la vérité.

— Est-ce que c’est possible !… Ce diable d’homme