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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

sans qu’on vît autre chose. Une voix de femme, toute fluette, parlait vivement au-dehors.

— Monsieur Rougon ! appela la dame, en montrant enfin son visage.

C’était madame Correur, avec un chapeau garni d’une botte de roses. Rougon, qui s’avançait, les poings fermés, furieux, plia les épaules et vint serrer la main de la nouvelle venue, en faisant le gros dos.

— Je demandais à Merle comment il se trouvait ici, dit madame Correur, en couvant d’un regard tendre le grand diable d’huissier, debout et souriant devant elle. Et vous, monsieur Rougon, êtes-vous content de lui ?

— Mais oui, certainement, répondit Rougon d’une façon aimable.

Merle gardait son sourire béat, les yeux fixés sur le cou gras de madame Correur. Elle se rengorgeait, elle ramenait de la main les frisures de ses tempes.

— Voilà qui va bien, mon garçon, reprit-elle. Quand je place quelqu’un, j’aime que tout le monde soit satisfait… Et si vous aviez besoin de quelque conseil, venez me voir, le matin, vous savez, de huit à neuf. Allons, soyez sage.

Et elle entra dans le cabinet, en disant à Rougon :

— Il n’y a rien qui vaille les anciens militaires.

Puis, elle ne le lâcha pas, elle lui fit traverser toute la pièce, le menant à petits pas devant la fenêtre, à l’autre bout. Elle le grondait de n’avoir point ouvert. Si Merle n’avait pas consenti à l’introduire par la petite porte, elle serait donc restée dehors ? Dieu savait pourtant si elle avait besoin de le voir ! car, enfin, il ne pouvait pas s’en aller ainsi, sans lui dire où en étaient ses pétitions. Elle sortit de sa poche un petit carnet, très-riche, recouvert de moire rose.

— Je n’ai vu le Moniteur qu’après mon déjeuner, dit-elle. J’ai pris tout de suite un fiacre… Voyons, où en est