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LES ROUGON-MACQUART.

léance. M. Kahn, Du Poizat et le colonel allongèrent le cou, lui lâchèrent tout bas un mot dans l’oreille, pour qu’il ne les oubliât pas. Les Charbonnel étaient déjà sur la première marche de l’escalier, et Madame Correur causait avec Merle, au fond de l’antichambre, pendant que madame Bouchard, attendue à quelques pas par son mari et par M. d’Escorailles, s’attardait encore devant Rougon, très-gracieuse, très-douce, lui demandant à quelle heure elle pourrait le voir, rue Marbeuf, tout seul, parce qu’elle était trop bête quand il y avait du monde. Mais le colonel, en l’entendant demander cela, revint brusquement ; les autres le suivirent, il y eut une rentrée générale.

— Nous irons tous vous voir, criait le colonel.

— Il ne faut pas que vous vous enterriez, disaient plusieurs voix.

M. Kahn réclama du geste le silence. Puis, il lança la fameuse phrase :

— Vous ne vous appartenez pas, vous appartenez à vos amis et à la France.

Et ils partirent enfin. Rougon put refermer la porte. Il eut un gros soupir de soulagement. Delestang, qu’il avait oublié, sortit alors de derrière le tas de cartons, à l’abri duquel il venait d’achever le classement des papiers, en ami consciencieux. Il était un peu fier de sa besogne. Lui, agissait, pendant que les autres parlaient. Aussi reçut-il avec une véritable jouissance les remercîments très-vifs du grand homme. Il n’y avait que lui pour rendre service ; il possédait un esprit d’ordre, une méthode de travail qui le mèneraient loin ; et Rougon trouva encore plusieurs autres choses flatteuses, sans qu’on pût savoir s’il ne se moquait pas. Puis, se tournant, jetant un coup d’œil dans tous les coins :

— Mais voilà qui est fini, je crois, grâce à vous… Il