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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

— J’ai encore écrit, il y a huit jours, murmura-t-elle ; je parie qu’elle jette mes lettres au feu… Pourtant, si Martineau mourait, il faudrait bien qu’elle m’ouvrît la maison toute grande. Ils n’ont pas d’enfant, j’aurais des affaires d’intérêt à régler… Martineau a quinze ans de plus que moi, et il est goutteux, m’a-t-on dit.

Puis, elle changea brusquement de voix, elle reprit :

— Enfin, ne pensons pas à tout cela… C’est pour vous qu’il s’agit de travailler à cette heure, n’est-ce pas, Eugène ? On travaillera, vous verrez. Il faut bien que vous soyez tout, pour que nous soyons quelque chose… vous vous souvenez, en 51 ?

Rougon sourit. Et, comme elle lui serrait maternellement les deux mains, il se pencha à son oreille et murmura :

— Si vous voyez Gilquin, dites-lui donc d’être raisonnable. Est-ce qu’il ne s’est pas avisé, l’autre semaine, après s’être fait mettre au poste, de donner mon nom pour que j’aille le réclamer !

Madame Correur promit de parler à Gilquin, un de ses anciens locataires, du temps où Rougon logeait à l’hôtel Vanneau, garçon précieux à l’occasion, mais d’un débraillé très-compromettant.

— J’ai un fiacre en bas, je me sauve, dit-elle avec un sourire, tout haut, en gagnant le milieu du cabinet.

Et elle resta pourtant quelques minutes encore, désireuse de voir la bande s’en aller en même temps qu’elle. Pour décider le mouvement de retraite, elle offrit même de prendre quelqu’un avec elle, dans son fiacre. Ce fut le colonel qui accepta, et il fut convenu que le petit Auguste monterait à côté du cocher. Alors, commença une grande distribution de poignées de main. Rougon s’était mis près de la porte, ouverte toute grande. En passant devant lui, chacun avait une dernière phrase de condo-