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LES ROUGON-MACQUART.

telle un cheval… Tu ne sais donc pas faire les chevaux ?

— Ah ! non. Les chevaux, c’est trop difficile, répondit M. Rambaud. Mais, si tu veux, je vais t’apprendre à faire les voitures.

C’était toujours par là que le jeu finissait. Jeanne, très-attentive, regardait son bon ami plier le papier en une multitude de petits carrés ; puis, elle essayait à son tour ; mais elle se trompait, tapait du pied. Pourtant, elle savait déjà faire les bateaux et les bonnets d’évêque.

— Tu vois, répétait patiemment monsieur Rambaud, tu fais quatre cornes comme cela, puis tu retournes…

Depuis un instant, l’oreille tendue, il avait dû saisir quelques-unes des paroles dites dans la pièce voisine ; et ses pauvres mains s’agitaient davantage, sa langue s’embarrassait tellement, qu’il mangeait la moitié des mots.

Hélène, qui ne pouvait s’apaiser, reprit l’entretien.

— Me remarier, et avec qui ? demanda-t-elle tout d’un coup au prêtre, en replaçant son ouvrage sur le guéridon. Vous avez quelqu’un en vue, n’est-ce pas ?

L’abbé Jouve s’était levé et marchait lentement. Il fit un signe affirmatif de la tête, sans s’arrêter.

— Eh bien ! nommez-moi la personne, reprit-elle.

Un instant, il se tint debout devant elle ; puis il haussa légèrement les épaules, en murmurant :

— À quoi bon ! puisque vous refusez ?

— N’importe, je veux savoir, dit-elle ; comment pourrais-je prendre une décision, si je ne sais pas ?

Il ne répondit point tout de suite, toujours debout et la regardant en face. Un sourire un peu triste montait à ses lèvres. Ce fut presque à voix basse qu’il finit par dire :

— Comment ! vous n’avez pas deviné ?