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Philippe ayant été assassiné, Alexandre monta sur le trône, en 336, tout préoccupé de ses grands desseins, et il est probable qu’une de ses premières pensées fut d’appeler près de lui son maître pour lequel il avait un respect vraiment filial. Mais l’année suivante, quand le futur conquérant de l’Asie eut fait les préparatifs de son expédition, Aristote, dont la santé, à ce qu’il paraît, commençait à s’altérer, qui d’ailleurs avait aussi sa mission à remplir, et ne pouvait la remplir qu’à Athènes, revint dans cette ville, en laissant Callisthène auprès d’Alexandre. Xénocrate avait, depuis quatre ans, succédé à Speusippe, dans la direction de l’Académie. Aristote qui, à cette époque, n’était pas loin de sa cinquantième année, ouvrit à son tour une école dans le lycée gymnase ainsi nommé d’un temple voisin d’Apollon lycéen. Là, il entreprit de développer le système de philosophie le plus vaste et le plus méthodique qu’eût encore vu la Grèce, en se promenant sous des allées d’arbres avec les nombreux disciples qui se pressèrent bientôt autour de lui, d’où leur vint le nom de péripatéticiens. (Voy. Péripatétisme pour l’exposition du système d’Aristote et l’histoire de son école.) Deux fois par jour avaient lieu ses leçons ou ses promenades, comme il les appelait. Le matin, il expliquait à des auditeurs de son choix, à ses disciples proprement dits, les principes mêmes de la science, leur dévoilait les mystères de la nature et les lois de l’esprit humain le soir, au contraire, il entretenait tous ceux qui voulaient l’entendre sur les connaissances pratiques qui formaient les applications de sa philosophie, sur la politique, l’art de raisonner et celui de bien dire. Cet enseignement, dont la forme devait être plus libre et plus populaire, il le nommait public ou exotérique, c’est-à-dire extérieur ; l’autre, nécessairement plus systématique et plus sévère s’appelait acroamatique ou ésotérique, c’est-à-dire intérieur. Il est assez probable, comme on le pense généralement, que, dans ces cours privés en quelque sorte, Aristote le premier introduisit l’usage des leçons ex-professo, substituées à la méthode interrogative et


dialectique des sophistes et des socratiques. Du reste, il ne faudrait pas s’imaginer qu’il enseignât comme un professeur en chaire, encore moins qu’il lût ou dictât des cahiers, quoique la distinction établie entre ses cours et ses disciples ait passé dans ses livres, et que, de ceux-ci, les acroatiques ou acroamatiques, écrits en formules fussent intelligibles aux seuls initiés.

Mais les travaux d’Aristote, pendant les treize années de son second séjour à Athènes, furent loin de se borner à l’enseignement de la philosophie et des sciences, même telles qu’il les avait faites. Il en profita pour mettre la dernière main à ceux de ses ouvrages qu’il avait ébauchés en Macédoine, et il entreprit ces immenses recherches sur l’histoire de la nature et sur les institutions des peuples qui ne lui étaient guère possibles avant cette époque. Le concours actif et éclairé d’Alexandre et des philosophes de sa suite, ses prodigieuses libéralités envers son ancien maître, et les ressources que ce dernier y trouva, soit pour former des collections, soit pour se procurer sur les lieux des informations de toute sorte, peuvent seuls rendre compte de la multitude des descriptions et des observations si fidèles et si exactes, de la variété infinie des faits consignés, d’une part, dans ses livres d’histoire naturelle, d’autre part, dans ses ouvrages sur la politique et les gouvernemens. On eût dit, à voir comme parle Pline des mesures prises par Alexandre dans l’intérêt des travaux d’Aristote, que le conquérant subjuguait le monde uniquement pour le soumettre aux expériences et aux méditations du savant. Celui-ci reçut de son élève, devenu maître de l’Asie la somme de 800 talens (plus de trois millions de notre monnaie), destinée au même but. Mais ce qui étonne le plus c’est le parti que sut tirer Aristote, en si peu d’années, des innombrables matériaux rassemblés de toute part autour de lui. Quelques secours qu’aient pu lui prêter des disciples tels que Théophraste, il faut que ce grand homme ait été doué d’une activité d’esprit et d’une puissance de travail extraordinaires.

C’est ici au reste, l’époque de la plus