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encore plus ancienne que la précédente, mais la proportion en est moins simple et moins élégante.

Le premier exemple d’une église offrant la forme de la croix, forme qui est devenue par la suite caractéristique dans nos temples, nous semble être celui que nous fournit l’église de Saint-Michel in Foro, a Rimini, bâtie au cinquième siècle.

A Rome, dans l’église de Saint-Clément, modèle le mieux conservé de la disposition des églises primitives, on remarque une singulière inégalité de largeur dans les nefs latérales ; celle de droite, destinée à recevoir les femmes, est beaucoup plus étroite que l’autre nef, où se plaçoient les hommes, les catéchumènes et les nouveaux convertis. On observe aussi dans la même église, et dans la portion de la grande nef du milieu qui se rapproche du chœur ou sanctuaire, une enceinte fermée d’un petit mur en marbre à hauteur d’appui, dans laquelle se plaçoient les exorcistes et autres fonctionnaires des ordres mineurs ; le peuple pouvoit tourner autour de cet espace jusqu’au devant du presbyterium, où étoient placés la table de communion et le jubé.

On trouvoit une semblable disposition dans l’ancienne cathédrale de Ravenne, qui a été démolie en 1734 et rebâtie sur un nouveau dessin. Fondée avant le quatrième siècle, elle offroit le plus bel exemple des monumens de l’antiquité sacrée, et elle conservoit en même temps le plus de vestiges de l’antiquité profane. L’hémicycle situé au fond de l’édifice rappeloit le tribunal des Basiliques, et dans une enceinte formée par de petites colonnes, que l’on voyoit au milieu de la grande nef, on reconnoissoit l’espèce de chœur isolé qui, suivant les rites de la primitive église, occupoit cette partie que nous avons déjà signalée dans Saint-Clément.

Il nous reste à parler du troisième et plus magnifique genre de nef, c’est-à-dire, des églises à cinq nefs, ou à doubles bas côtés, formés de deux rangs de galeries ou de portiques. Telles sont la plupart des cathédrales gothiques ; mais telle étoit long-temps avant, et dès l’origine du christianisme, la fameuse église du Saint-Sépulcre, construite sous le règne de Constantin par Eustathius. La description qu’en fait Eusèbe, nous donne la plus grande idée de ce temple, et nous indique peut-être la meilleure manière de disposer les églises. Un double portique entouroit la nef et le sanctuaire ; il supportoit une double galerie, soutenue aussi par de grandes colonnes, au-dessus desquelles s’élevoit une magnifique voûte en plein cintre qui couvroit la nef, et, prenant la forme d’une coupole sur le sanctuaire, étoit supportée par douze colonnes dont les chapiteaux étoient d’argent et d’un travail merveilleux.

Ce plan, d’une extrême simplicité, ne diffère de celui de l’ancienne église de Saint-Pierre, construite à Rome aussi du temps de Constantin, que par la petite nef transversale qu’on avoit adaptée à la forme de la basilique, pour donner à l’édifice sacré l’apparence de la croix ; forme que l’on retrouve dans les plus anciennes églises, telles que Saint-Paul-hors-des-murs et Saint-Jean-de-Latran à Rome, et les cathédrales de Ravenne, de Pise, de Milan, de Séville, enfin dans celle de Notre-Dame à Paris.

On peut aussi diviser les nefs en trois sortes, relativement à l’élévation ou à la coupe de l’édifice et à la manière dont elles sont couvertes.

Les premières sont dans la forme primitive des basiliques, c’est-à-dire, un espace circonscrit par des murs en parallélogramme, et divisé dans le sens de sa largeur par deux ou quatre rangs de colonnes qui supportent la charpente à découvert, comme dans Saint-Paul-hors-les-murs, ou cachée par un plafond horizontal divisé en cuissons ou encadremens motivés par la croisure des sablières et des solives, comme à Sainte-Marie-Majeure.

Dans la seconde espèce de nefs, les colonnes reçoivent la retombée d’arcs qui supportent des murs également percés d’arcades, sur lesquels reposent des petites voûtes en arête, en arc de cloître ou en tiers-point, dit ogive. Ces constructions sont variées à l’infini dans le jeu des voûtes, leur pénétration, leurs évidemens, et surtout dans leur décoration.

Enfin, la troisième manière de couvrir les nefs consiste en une voûte en berceau à plein cintre et continue, ou divisée par de simples bandeaux qui marquent l’espacement des supports, et plus ou moins ornée de caissons, comme à Saint-Pierre de Rome.

Au reste, les constructions modernes, qui sont presque toutes dans ce système, vont motiver quelques réflexions sur la meilleure ordonnance des nefs.

C’est en effet en grande partie de leur bonne disposition, c’est-à-dire, du juste rapport entre la largeur, la hauteur et l’espacement des bas côtés, en un mot, de l’harmonie des proportions de la nef, que dépend l’effet qu’un tel édifice doit produire au premier abord.

Pour que l’impression soit favorable, il faut que le coup d’œil puisse embrasser à la fois la presque totalité de l’édifice, ou au moins que ce qu’on en voit fasse deviner le reste.

En entrant, par exemple, dans une église à trois nefs séparées par deux files de colonnes, les yeux se portent en avant et découvrent la grande nef toute entière jusqu’à son extrémité, mais ils devinent en même temps le prolongement des nefs latérales, parce qu’ils l’entrevoient à travers les colonnes. L’espace semble même s’agrandir à mesure qu’on avance ; car, s’il perd quelque chose en profondeur, il le gagne en largeur : il y a compensation, et la même idée de grandeur subsiste. Mais cette idée de grandeur est relative, et souvent elle n’est qu’apparente ; un vaste vaisseau peut paroître exigu, comme celui qui n’a qu’une