Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T01.djvu/799

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
774
CHA CHA


du Limousin, du Périgord, de l’Auvergne, du Rouergue, de la Guyenne, & même à Bordeaux. Le peuple, comme les personnes d’un rang supérieur, sont également convaincus que cette préparation rend la châtaigne un aliment savoureux, nourrissant, & sur-tout d’une très-facile digestion. Il n’est donc pas étonnant qu’étant une fois parvenu au moyen de préparer ainsi la châtaigne, on n’ait pas recherché à en faire du pain ; car, quand même on auroit réussi, les manipulations nécessaires auroient occasionné des frais & des soins qu’il est avantageux d’éviter. Outre cela, il est à croire que la substance farineuse de la châtaigne dans l’état de pain, auroit fourni un aliment beaucoup moins agréable & moins sain que sous sa forme naturelle.

Il n’est pas plus question dans ces provinces de faire cuire la châtaigne avec son écorce dans l’eau bouillante : on y est bien instruit que l’écorce & la pellicule de la châtaigne fournissant à l’eau dans laquelle on la fait bouillir un extrait d’une grande amertume, la châtaigne, en cuisant dans cette liqueur, y contracte un goût acre & désagréable, & que d’ailleurs en cet état, elle n’est pas d’une facile digestion.

On n’y fait pas plus d’usage de ces poêles percées de trous, par le moyen desquelles on expose les châtaignes à la flamme du bois pour les rêûr. On est trop délicat pour ne pas sentir que le contact de la fumée communique aux châtaignes un goût d’empyreume insupportable, & trop économe pour ne pas regretter conmie un déchet & une perte considérable, la partie de la substance farineuse des châtaignes qui brûle dans ces poêles.

On ne trouveroit pas même, dans ces provinces, moins d’inconvéniens à faire cuire les châtaignes sous la cendre chaude. La difficulté d’obtenir de cette manière un point de cuisson égal & convenable, le risque que l’on court de brûler les châtaignes toujours d’un côté, sont bien propres, ainsi que les inconvéniens précédens, à faire sentir les avantages d’une méthode simple, économique, par laquelle on dépouille sûrement les châtaignes de la partie amère, qui y reste lorsque leur cuisson s’opère par toutes ces méthodes défectueuses.

Art. IV. De la manière de faire cuire les châtaignes séchées à la claie, mais non dépouillées de leurs écorces.

On enferme dans un sac la quantité de châtaignes que l'on veut faire cuire, & on les bat comme nous avons dit ci-dessus, jusqu’à ce qu’on ait brisé l’écorce & détaché la pellicule ; mais par les raisons que nous avons expliquées lorsque nous avons parlé des inconvéniens qu’entraînoit la coutume où l’on étoit dans certaines provinces de ne point dépouiller de leurs peaux les châtaignes aussitôt qu’on les a tirées du séchoir, on doit sentir que cette opération est assez difficile, & ne peut se faire que très-imparfaitement, pour peu que l’écorce & la substance farineuse des châtaignes séchées soient ramollies.

J’ajouterai ici à cette occasion, que puisqu’il faut tôt ou tard dépouiller les châtaignes de leurs peaux, il est bien plus commode de le faire dans les circonstances favorables dont j’ai parlé, que d’être exposé à réitérer chaque jour ces battages rudes & pénibles, quand même on n’y trouveroit pas d’ailleurs d’autres avantages.

Lorsque les châtaignes sont bien dépouillées de l’une & l’autre peau, on les met tremper dans de l’eau tiède, où elles séjournent toute la nuit ; elles reprennent une certaine quantité d’eau, & si elles n’ont pas été ramollies & ridées à un certain point, elles reviennent à leur première forme : on jette l’eau où elles ont trempe, & on les lave dans de l’eau fraîche, après quoi on les fait cuire comme nous l’avons dit des châtaignes blanchies, (Art. II) C’est sur-tout en faisant cuire ces sortes de châtaignes séchées & non dépouillées de leur peau, qu’il faut avoir attention aux pratiques qui ont pour but d’en extraire la partie amère, particulièrement si les châtaignes ont pris un goût de fumée & d’empyreume par la réaction de l’écorce sur la substance farineuse. Il ne faut pas négliger non plus, par la même raison, de les faire bien rissoller dans le pot.

Art. V. Manière de faire cuire les châtaignes séchées & dépouillées de leurs peaux.

On fait chauffer de l’eau à un certain point, & on la verse sur les châtaignes sèches qu’on veut faire cuire. A mesure que l’eau les pénètre, elles se ramollissent, se renflent, & reprennent insensiblement leurs premières dimensions. Quelques heures de séjour dans l’eau tiède suffisent pour produire ces effets ; & cette préparation est essentielle pour le succès de la cuisson des châtaignes, laquelle s’exécute par les mêmes procédés que celle des châtaignes vertes blanchies. (Voyez Articles II & III.) Et lorsqu’elles sont cuites avec ces attentions, elles ont le même goût sucré & agréable que les châtaignes fraîches.

Ces procédés ne sont pas en usage seulement dans quelques provinces de France. Ils sont connus & suivis très-exactement en Espagne, ou les castanas pilongas forment le principal aliment du peuple, dans la partie montueuse des provinces de l’Estramadoure, de la Castille & de Léon. Comment ces diverses pratiques ont-elles été trouvées ? comment ont-elles passé dans des cantons si éloignés ? Ces questions & tant d’autres qu’on peut faire sur cet objet comme sur plusieurs semblables découvertes, ne sont pas aisées à résoudre ; cependant je penche plutôt à croire que ces procédés ont été transmis d’un centre quelconque, qu’à supposer qu’ils ont été découverts par des tentatives particulières en plusieurs endroits à-la-fois.

Art. VI. Manière de conserver les châtaignes en farine, & d’en faire cuire la substance en pâte.

Les habitans des montagnes des environs de Lucques & de Castel-Nuovo en Toscane, ceux de