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qui, n’étant pas encore bien consolidé avec le reste de la pierre, est sujet à se dissoudre par la pluie ou l’humidité, de manière que les pierres dures ou tendres, dont on n’a pas pris soin d’ôter cette partie défectueuse, tombent au bout de quelque temps en poussière, & leurs arêtes s’égrènent par le poids de l’édifice.

D’ailleurs, ce bouzin beaucoup moins compacte que le reste de la pierre, & s’abreuvait facilement des esprits de la chaux, en exige une très-grande quantité, & par conséquent beaucoup de temps pour la sécher : de plus, l’humidité du mortier le dissout, & la liaison ne ressemble plus alors qu’à de la pierre tendre réduite en poussière, posée sur du mortier ; ce qui ne peut faire qu’une très-mauvaise construction.

Mais comme chaque pays a ses carrières & ses différentes espèces de pierres, auxquelles on s’assujettit pour la construction des bâtimens, & que le premier soin de celui qui veut bâtir est, avant même que de projetter, de visiter exactement toutes celles des environs du lieu où il doit bâtir, d’examiner soigneusement ses bonnes & mauvaises qualités, soit en consultant les gens du pays, soit en en exposant une certaine quantité pendant quelque temps à la gelée & sur une terre humide, soit en les éprouvant encore par d’autres manières ; nous n’entreprendrons pas de faire un dénombrement exact & général de toutes les carrières dont on tire la pierre.

Nous nous contenterons seulement de dire quelque chose de celles qui se trouvent en Italie, pour avoir occasion de rapporter le sentiment de Vitruve sur la qualité des pierres qu’on en tire, avant que de parler de celles dont on se sert à Paris & dans les environs.

Les carrières dont parle Vitruve, & qui sont aux environs de Rome, sont celles de Pallienne, de Fidenne, d’Albe, & autres, dont les pierres sont rouges & très-tendres. On s’en sert cependant à Rome, en prenant la précaution de les tirer de la carrière en été, & de les exposer à l’air deux ans avant que de les employer, afin que, dit aussi Palladio, celles qui ont résisté aux mauvais temps sans se gâter, puissent servir aux ouvrages hors de terre, & les autres dans les fondations.

Les carrières de Rora, d’Amiterne & de Tivoli, fournissent des pierres moyennement dures. Celles de Tivoli résistent fort bien à la charge & aux rigueurs des saisons, mais non au feu qui les fait éclater pour le peu qu’il les approche, parce qu’étant naturellement composées d’eau & de terre, ces deux élémens ne sauraient lutter contre l’air & le feu qui s’insinuent aisément dans leus porosités.

Il s’en trouve plusieurs d’où l’on tire des pierres aussi dures que le caillou. D’autres encore dans la terre de Labour, d’où l’on en tire que l’on appelle tuf rouge & noir. Dans l’Ombrie, le Pisantin, & proche de Venise, on tire aussi un tuf blanc qui se coupe à la scie comme le bois.

Il y a chez les Tarquiniens des carrières appelées avitiennes, dont les pierres sont rouges comme celles d’Albe, & s’amassent près du lac de Bolsenne & dans le gouvernement Statonique : elles résistent très-bien à la gelée & au feu, parce qu’elles sont composées de très-peu d’air, de fer & d’humidité, mais de beaucoup de terrestre ; ce qui les rend plus fermes, telles qu’il s’en voit à ce qui reste des anciens ouvrages près de la ville de Ferente où il se trouve encore de grandes figures, de petits bas-reliefs, & des ornemens délicats, de roses, de feuilles d’acanthe, &c. faits de cette pierre, qui sont encore entiers malgré leur vieillesse.

Les fondeurs des environs la trouvent très-propre à faire des moules ; cependant, on en emploie fort peu à Rome à cause de leur éloignement.

Des différentes pierres dures.

De toutes les pierres dures, la plus belle & la plus fine est celle de liais, qui porte ordinairement depuis sept jusqu’à dix pouces de hauteur de banc, ou de l’épaisseur de la pierre dans la carrière.

Il y en a de quatre sortes. La première, qu’on appelle liais franc ; la seconde, liais ferault ; la troisième liais rose ; & la quatrième, franc liais de S. Leu.

La première, qui se tire de quelques carrières derrière les Chartreux, fauxbourg S. Jacques à Paris, s’emploie ordinairement aux revêtissemens du dedans des pièces où l’on veut éviter la dépense du marbre, recevant facilement la taille de toutes sortes de membres d’architecture & de sculpture : considération pour laquelle on en fait communément des chambranles de cheminées, des pavés d’antichambres & de salles à manger, des balustres, entrelacs, appuis, tablettes, rampes, échifres d’escaliers, &c.

La seconde, qui se tire des mêmes carrières, est beaucoup plus dure, & s’emploie par préférence pour des corniches, bases, chapiteaux de colonnes, & autres ouvrages qui se font avec soin dans les façades extérieures des bâtimens de quelqu’importance.

La troisième, qui se tire des carrières proche S. Cloud, est plus blanche & plus pleine que les autres, & reçoit un très-beau poli.

La quatrième se tire le long des côtes de la montagne près S. Leu.

La seconde pierre dure & la plus en usage dans toutes les espèces de bâtimens, est celle d’Arcueil, qui porte depuis douze jusqu’à quinze pouces de hauteur de banc, & qui se tirait autrefois des carrières d’Arcueil près Paris ; elle étoit très-recherchée alors, à cause des qualités qu’elle avoit d’être prefqu’aussi ferme dans ses joints que dans son cœur, de résister au fardeau, de s’entretenir dans l’eau, de ne point craindre les injures des tems : aussi la préféroit-on dans les fondemens des édifices, & pour les premières assises.

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