Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T04.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
281
MAÇ MAÇ

De la pierre selon ses usages.

On appelle première pierre, celle qui, avant que d’élever un mur de fondation d’un édifice, est destinée à renfermer dans une cavité d’une certaine profondeur, quelques médailles d’or ou d’argent, frappées relativement à la destination du monument, & une table de bronze, sur laquelle sont gravées les armes de celui par les ordres duquel on construit l’édifice.

Cette cérémonie, qui se fait avec plus ou moins de magnificence, selon la dignité de la personne, ne s’observe cependant que dans les édifices royaux & publics, & non dans les bâtimens particuliers. Cet usage existoit du temps des Grecs, & c’est par ce moyen qu’on a pu apprendre les époques de l’édification de leurs monumens, qui, sans cette précaution, seroit tombée dans l’oubli, par la destruction de leurs bâtimens, dans les différentes révolutions qui sont survenues.

Dernière pierre, celle qui se place sur l’une des faces d’un édifice, & sur laquelle on grave des inscriptions, qui apprennent à la postérité le motif de son édification, ainsi qu’on l’a pratiqué aux piédestaux des places Royale, des Victoires, de Vendôme à Paris, & aux fontaines publiques, portes saint Martin, saint Denis, &c.

Pierre percée, celle qui est faite en dalle, & qui se pose sur le pavé d’une cour, remise ou écurie, ou qui s’encastre dans un châssis aussi de pierre, soit pour donner de l’air ou du jour à une cave, ou sur un puisard, pour donner passage aux eaux pluviales d’une ou de plusieurs cours.

Pierre à châssis, celle qui a une couverture circulaire, carrée ou rectangulaire, de quelque grandeur que ce soit, avec feuillure ou sans feuillure, pour recevoir une grille de fer maillée ou non maillée, percée ou non percée, & servir de fermeture à un regard, fosse d’aisance, &c.

Pierre à évier, du latin emissarium, celle qui est creuse, & que l’on place à rez-de-chaussée ou à hauteur d’appui, dans un lavoir ou une cuisine, pour faire écouler les eaux dans les dehors. On appelle encore de ce nom une espèce de canal long & étroit, qui sert d’égoût dans une cour ou allée de maison.

Pierre à laver, celle qui forme une espèce d’auge plate, & qui sert dans une cuisine pour laver la Vaisselle.

Pierre perdue, celle que l’on jette dans quelques fleuves, rivières, lacs, ou dans la mer, pour fonder, & que l’on met pour cela dans des caissons, lorsque la profondeur ou la qualité du terrain ne permet pas d’y enfonier des pieux. On appelle aussi de ce nom celles qui sont jetées à baies de mortier dans la maçonnerie de blocage.

Pierres incertaines ou irrégulières, celles que l’on emploie au sortir de la carrière, & dont les angles & les pans sont inégaux : les anciens s’en servoient pour-paver ; les ouvriers la nomment de pratique, parce qu’ils la font servir sans y travailler.

Pierre jectices, celles qui se peuvent poser à la main dans toutes sortes de constructions, & pour le transport desquelles on n’est pas obligé de se servir de machines.

Pierres d’attente, celles qu’on a laissées en bossage, pour y recevoir des ornemens ou inscriptions taillées, ou gravées en place. On appelle encore de ce nom celles qui, lors de la construction, ont été laissées en harpes ou arrachement, pour attendre celles du mur voisin.

Pierres de rapport, celles qui étant de différentes couleurs, servent pour les compartimens de pavés, mosaïques, & autres ouvrages de cette espèce.

Pierres précieuses, toutes pierres rares, comme l’agate, le lapis, l’aventurine & autres, dont on enrichit les ouvrages en marbre & en marquetterie, tels qu’on en voit dans l’église des Carmélites de la ville de Lyon, où le tabernacle est composé de marbre & de pierres précieuses, & dont les ornemens sont de bronze.

Pierre spéculaire, celle qui chez les anciens étoit transparente, comme le talc qui se débitoit par feuillet, & qui leur servoit de vitres ; la meilleure, selon Pline, venoit d’Espagne. Martial en fait mention dans ses épigrammes, livre II.

Pierres milliaires, celles qui, en forme de socle ou de borne chez les Romains, étoient placées sur les grands chemins, & espacées de mille en mille, pour marquer la distance des villes de l’Empire, & se comptoient depuis la milliaire dorée de Rome, tel que nous l’ont appris les historiens par les mots de primus, secundus, tertius, &c. ab urbe lapis ; cet usage existe encore maintenant dans toute la Chine.

Pierres noires, celles dont se servent les ouvriers dans le bâtiment pour tracer sur la pierre : la plus tendre sert pour dessiner sur le papier.

On appelle encore pierre blanche ou craie, celle qui est employée aux mêmes usages : la meilleure vient de Champagne.

Pierre d’appui ou seulement appui, celle qui, étant placée dans le tableau inférieur d’une croisée, sert à s’appuyer.

Auge, du latin lavatrina, une pierre placée dans des basses-cours, pour servir d’abreuvoir aux animaux domestiques.

Seuil, du latin limen, celle qui est posée au rez-de-chaussée, dont la longueur traverse la porte, & qui, formant une espèce de feuillure, sert de battement à la traverse inférieure du châssis de la porte de menuiserie.

Borne, celle qui a ordinairement la forme d’un cône de deux ou trois pieds de hauteur, tronqué dans son sommet, & qui se place dans l’angle d’un pavillon, d’un avant corps, ou dans celui d’un piédroit de porte cochère ou de remise, ou le long d’un mur, pour en éloigner les voitures & empêcher que les moyeux ne les écorchent & ne les fassent éclater.

Arts & Métiers. Tome IV. Partie I.
N n